Congrès des notaires de France
« Le notariat a rempli ses objectifs », estime le président du Conseil supérieur du notariat
À l’occasion de leur 117e congrès, à Nice, les notaires de France ont dressé le bilan de leurs contributions au titre de la convention d’objectifs, signée un an plus tôt avec l’État, et présenté leurs doléances au ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti.
« Je
crois que le notariat a rempli ses objectifs »,
a déclaré le président du Conseil supérieur du notariat (CSN),
David Ambrosiano, lors de la séance solennelle d’ouverture du
congrès des notaires de France, le 23 septembre, à Nice. Il faisait
ainsi allusion aux engagements souscrits par la profession dans le
cadre de la convention d’objectifs conclue avec l’État, lors du
précédent congrès. Ces derniers visent notamment la qualité du
service notarial, la préservation du maillage territorial et l’accès
au droit – avec la création du service d’information Notaires
Infos, qui pourra traiter « plus
de 25 000 appels par an
» – et la dématérialisation – « plus
de 85% des études sont équipées en visioconférence »
et « le
papier a presque disparu des offices »
au profit de l’acte authentique électronique, désormais complété
par l’acte à distance et la procuration avec comparution à
distance.
Relations
au beau fixe avec Bercy
En
ce qui concerne les relations avec le ministère de l’Économie,
« nous avons fini notre contribution à l’indexation du
fichier immobilier », a poursuivi le président du CSN.
« Ce projet
d’accès au fichier immobilier entre dans sa phase de production,
qui va s’étaler jusqu’en 2023. » De plus, sur le
terrain de la lutte contre le blanchiment d’argent et le
financement du terrorisme, « nous avons tenu notre rôle, avec
succès je crois, dans la préparation et le déroulement de la
mission du GAFI
en France ». Aussi, « en récompense de nos
efforts en la matière, monsieur le Ministre, je vous demande que le
CSN soit enfin reconnu dans le Code monétaire et financier pour ce
qu’il est réellement, à savoir une autorité de supervision »
en matière d’antiblanchiment. Une requête à laquelle le
garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, a donné réponse favorable :
il a annoncé qu’il soutiendrait
« un amendement au projet
de loi pour la Confiance dans l’institution judiciaire
devant le Sénat, pour consacrer dans la loi le rôle joué par le
CSN auprès de chambres des notaires ».
Désaccord
sur la formule exécutoire apposée sur des actes d’avocat
Ce même projet de loi est, par ailleurs, à l’origine du principal désaccord entre la profession et la Chancellerie. En cause, « un objet juridique non identifié » qui prévoit (article 29) « la dévolution à l’avocat du pouvoir d’enjoindre à un greffier de tribunal d’apposer la formule exécutoire sur un accord que le greffier n’a même pas vu et qu’il n’a pas le pouvoir d’apprécier. (…) Si cette évolution se confirme et n’est pas exposée à la censure du Conseil constitutionnel, je la tiens pour une entorse douloureuse à notre système de droit », a déclaré David Ambrosiano.
La
réponse du garde des Sceaux est venue confirmer l’étendue du
désaccord. « J’entends toutes vos interrogations, mais je
ne partage aucune de vos craintes. Que craignez-vous ? Une confusion
entre le rôle des officiers publics que vous êtes, dépositaires de
l’autorité publique, et celui des avocats, dont l’indépendance
à l’égard de l’État est un axe fondateur ? (…)
Ces inquiétudes ne sont pas fondées. (…) Ce n’est ni une remise
en cause de l’acte authentique et de la compétence des notaires,
ni une révolution (…). L’acte sous seing privé revêtu de la
formule exécutoire par le greffe demeurera un acte sous seing privé,
et la juridiction pourra être saisie pour contester l’acte, pour
contester les conditions de l’apposition de la formule exécutoire
par le greffe. »
Nouvelles installations, IDnow… les irritants
Autre
source de profond désaccord avec la Chancellerie : la troisième
carte d’installation de nouveaux notaires. « Force est de
constater que le gouvernement a une fois de plus suivi, à l’unité
près, la recommandation forfaitaire de l’Autorité de la
concurrence (…). Quand cette succession de créations va-t-elle
s’achever ? (…) Est-il encore indispensable de créer nombre
de nouveaux offices sans laisser à ceux des précédentes vagues le
temps de se développer ? » La Chancellerie a adopté
« une approche prudente et raisonnée », a répondu le
ministre, et « cette troisième carte devrait permettre de
répondre au mieux aux besoins des Français, sans pour autant
déséquilibrer l’économie de la profession ».
Les
notaires ne veulent plus non plus du « processus baroque et
surtout souvent irritant que nous impose le recours obligatoire à la
plate-forme IDnow pour les actes à comparution à distance »,
alors que « la vérification de l’identité est une
fonction régalienne du notariat » qui « ne doit
pas être déléguée à une société tierce, de surcroît
étrangère », a expliqué le président du CSN. C’est
pourquoi la profession a lancé des travaux, sous l’égide de la
Chancellerie, « pour que le notariat puisse être
véritablement une autorité souveraine d’enregistrement ».
Une difficulté qui n’avait pas échappé
au garde des Sceaux : « Je sais que le recours à un
prestataire extérieur a pu entraîner des difficultés, mais, je
tiens tout de même à rappeler, que ce choix a permis aux notaires
de maintenir leur activité en dépit du confinement »,
a-t-il tenu à souligner. « Je me réjouis évidemment que
le CSN souhaite avancer dans le développement de ses propres outils
numériques », a-t-il poursuivi, avant d’annoncer que «
si l’expérience de la procuration authentique notariée à
distance est satisfaisante, l’extension à d’autres actes
notariés pourra être envisagée ».
Réforme
de la formation initiale, dématérialisation de la comptabilité et
raison d’être
Autre
requête de la profession : la mise en œuvre de la réforme de la
formation initiale des notaires, attendue depuis plusieurs
années déjà. « Le décret devrait pouvoir être rédigé
prochainement » et la réforme « entrer en
vigueur dès 2022 », a promis le ministre. De son côté, le CSN
a mis au point un dispositif de formation accélérée « pour
de nouveaux collaborateurs qui ne viennent pas forcément du monde du
notariat » : « C’est indispensable,
car nous estimons entre 3 000 et 5 000 la pénurie de
collaborateurs », a précisé David Ambrosiano.
Autre projet qui devrait prendre forme rapidement : la dématérialisation totale de la comptabilité des offices. « Nous sommes toujours astreints à l’impression hebdomadaire de liasses entières de balances diverses. C’est archaïque. C’est un cauchemar pour nos études. J’ai demandé à la DACS [direction des Affaires civiles et du Sceau] de modifier au plus vite un arrêté de janvier 2006, et l’ADSN va développer un outil qui sera, à terme, pour la comptabilité le miroir de ce qui existe déjà pour les actes avec le minutier central électronique. »
Enfin, le président du CSN a profité de cette séance solennelle d’ouverture du congrès pour présenter la raison d’être (au sens de la loi Pacte) de la profession : « Sous le sceau de l’État, conseiller avec rigueur et impartialité, accompagner avec humanité et discrétion, exprimer l’équilibre des volontés dans le cadre fixé par la loi, conserver les actes pour toujours, et agir ainsi pour la paix au cœur de la société. »
Une
douzaine de
propositions bientôt transmises aux pouvoirs publics
L’ensemble
des 12 propositions émises par les trois commissions de travail du
117e
congrès des notaires de France ont été adoptées lors de leur
présentation à la profession du 24 et 25 septembre derniers, à
Nice. Elles seront remises aux pouvoirs publics, comme chaque année,
à l’issue de
la manifestation.
Les cinq propositions de la première commission visent à mieux protéger la personne et le citoyen dans le monde numérique. Il s’agit de :
- faire du droit d’accès à Internet un droit fondamental autonome ;
- rendre insaisissable un outil permettant de se connecter à Internet ;
- accompagner dans le monde numérique les personnes faisant l’objet d’une protection juridique ;
- clarifier le devenir des données numériques après la mort biologique ;
-
délivrer une identité numérique aux titulaires de la carte
nationale d’identité électronique.
Les trois propositions de la deuxième commission concernent la valorisation et la transmission du patrimoine dans le monde numérique. Elles visent à :
- simplifier le formalisme du testament par acte public ;
- procéder à une adaptation raisonnée du formalisme du testament « privé » ;
-
permettre le dépôt et la conservation de tout type d’annexes au
fichier central des notaires et adapter l’acte authentique
électronique pour qu’il puisse être enrichi de contenus
numériques complexes constitutifs de l’accord des parties.
Les quatre propositions de la troisième commission tendent à moderniser et encadrer le contrat dans le monde numérique, soit :
- sécuriser la pratique de la signature électronique ;
- intégrer l’exécution automatisée d’un contrat dans le Code civil ;
- étendre le champ d’application de l’acte authentique avec comparution à distance à tous les actes authentiques sans distinction ;
- adapter le Code civil à la révolution numérique en intégrant la notion de distanciel.