L’aéropôle d’Albert-Méaulte, dans un terrible trou d’air
Plus de 10 000 emplois et 160 entreprises. La filière aéronautique dans les Hauts-de-France est une filière qui compte. Frappée de plein fouet par la crise mondiale liée à la Covid-19, elle tente de se projeter vers l’avenir et compte sur le Plan d’aide de 15 milliards débloqué par l’État.
« Nous sommes résilients à Albert. Nous avons déjà vécu des chocs difficiles. Nous sommes déjà passés en dessous des 1 000 salariés. On aime notre métier, on sait faire des avions et on veut y croire. » Stéphane Demilly, député de la 5e circonscription de la Somme et ancien maire d’Albert reste tourné vers l’avenir. Pourtant, la filière aéronautique, dont l’aéropôle de Picardie à Albert-Méaulte est l’un des brillants fleurons, n’est pas sortie indemne de la période de confinement.
« Avec cette crise, on est dans un trou d’air violent et mondial, témoigne Stéphane Demilly. En avril 2020 à Albert, on a livré 14 avions alors qu’à la même époque en 2019, nous étions à 70. » Un appel d’air d’autant plus dur que la filière est plutôt habituée à une croissance régulière d’environ 5% par an. Les commandes de nouveaux avions se sont effondrées, et cela pourrait durer, avec un repositionnement des principales compagnies sur le marché de l’occasion. « À Albert, le redimensionnement des cadences est très lourd puisqu’on est passé à la fabrication de 60 à 40 avions A320 par mois. Pour l’A350 on passe de dix à six et pour l’A330 de cinq à deux. Il faut redimensionner les capacités de production et cela fait extrêmement mal », expose Stéphane Demilly.
Garder les compétences
Résultat sur les 300 000 emplois au sein de la filière en France, un tiers sont menacés. « Comme les compagnies fonctionnent plus au ralenti, les moins solides sont tombées. Certaines qui avaient déjà peu de trésorerie ont déposé le bilan ou se réadaptent pour survivre. » Ainsi, chez Boeing, ce sont 16 000 suppressions de postes qui sont planifiées. Et Airbus a annoncé un plan d’une ampleur similaire de 15 000 suppressions de postes. Easyjet évoque 4 500 postes en moins.
Et ce n’est peut-être qu’un début tant l’onde de choc est violente. Les sous-traitants vont également être impactés eux aussi. « Pour Albert, j’ai tendance à considérer que l’impact direct sera entre 300 et 350 emplois, poursuit le député. La sous-traitance in situ va fondre et beaucoup d’entreprises vont perdre des dizaines et des dizaines de salariés. » Et ce sont plus de 130 intérimaires qui vont voir leurs missions s’arrêter. Un crève-cœur et un risque pour l’avenir, de voir partir ailleurs les compétences. « On doit trouver des colmatages pour ne pas perdre les compétences en interne car sinon le jour où le soleil brillera à nouveau on ne sera plus là pour fabriquer les avions », poursuit l’ancien maire d’Albert.
Un plan de 15 milliards
Dans ce contexte, le plan d’aide de l’État de 15 milliards d’euros annoncé par Bruno Le Maire arrive à point nommé, avec notamment la solution du chômage partiel qui doit permettre de maintenir des emplois et conserver les compétences. Mais surtout ce plan apporte un soutien conséquent à AirFrance, ce qui doit à terme ruisseler sur l’ensemble de la filière en France. En plus du soutien de l’État à la commande publique.
Mais la survie de la filière passe aussi par la poursuite des efforts engagés avant la crise. C’est notamment l’objectif du plan Aerofund 4. Doté d’un milliard d’euros, il doit aider à la structuration d’un tissu d’entreprises de taille intermédiaire moins dépendant des grands groupes. « On voudrait arriver à des ETI de deux à trois millions de chiffre d’affaires et créer un tissu qui soit autonome », poursuit Stéphane Demilly. Par ailleurs, des crédits importants sont dévolus à la recherche notamment autour du développement d’avions plus propres.
Des projets en perspective
Pour l’aéropôle d’Albert-Méaulte, les grands projets restent aussi d’actualité, comme le signale Stéphane Demilly : « On a un très gros projet de logistique qui a été initié il y a un an, et on considère que cette aéroport a vocation à se développer, notamment via le fret et la logistique. » Ce projet devrait créer une centaine d’emplois. « Avec le confinement, j’ai eu très peur que le projet soit abandonné mais nous sommes restés en contact et le projet va se faire. C’est un dossier qui va tomber à point nommé pour nous aider à relancer l’économie locale », conclut-il.