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Picardie : la femme est l’avenir de l’entrepreneur

Le verbe entreprendre se conjugue de plus en plus au féminin dans la région et le phénomène s’accentue. Néanmoins, des freins subsistent et les entrepreneuses restent rares dans certains secteurs. Portrait de ces picardes dynamisant le tissu économique local.

Chantal Lenoir est membre de la CCI Oise et a exercé comme juge consulaire.
Chantal Lenoir est membre de la CCI Oise et a exercé comme juge consulaire.
On dénombre 11 000 femmes chefs d’entreprises dans la région Picardie selon l’Insee.

On dénombre 11 000 femmes chefs d’entreprises dans la région Picardie selon l’Insee.

Représentations culturelles, facteurs économiques et sociaux, de nombreuses raisons sont avancées pour expliquer que la création d’entreprises reste trop majoritairement portée par des hommes. Une enquête intitulée Portrait(s) de femmes dirigeantes en France menée par l’Institut CSA pour le cabinet d’audit et de conseil KPMG (juin 2015) révèle que la part de femmes occupant des postes de direction n’a progressé que de 1,2 point en dix ans entre 2003 et 2013. Ainsi, elles sont seulement 14% à occuper ces fonctions alors qu’elles représentent 48% de la population active française.

Malgré tout, des avancées apparaissent, comme l’augmentation du nombre de femmes de moins de 40 ans créatrices d’entreprises ou d’entrepreneuses dans des secteurs considérés comme réservés aux hommes : l’énergie (+130% en 10 ans), l’industrie agroalimentaire (+23,6%) ou l’immobilier (+21,5%). Des progrès notables qu’il faut prolonger sur les territoires.

Le cas picard

La Picardie s’appuie sur une structure économique spécifique, le salariat y est plus développé, entraînant une présence moins forte de l’entrepreneuriat par rapport à la moyenne nationale. Les 39 000 hommes et femmes chefs d’entreprises picards (20 000 artisans, 15 000 commerçants et 4 000 chefs d’une entreprise de plus de dix salariés) ne représentent que 5,1% des actifs occupés, contre 6,2% en France. Dans leurs rangs, on retrouve 11 000 Picardes constituant 28,3% de l’entrepreneuriat régional, part proche de la moyenne métropolitaine (28,1%). Cependant, elles sont à l’origine de moins de trois nouvelles entreprises sur dix (28,7%), part encore une fois proche de la moyenne des différentes régions de l’Hexagone (28,6%).

Ce chiffre devient plus important lorsqu’on se focalise sur les entreprises individuelles picardes en 2014 dont 36% ont été fondées par des femmes. Une proportion ayant considérablement augmenté, puisque ce chiffre n’était que de 32% en 2004. Dix ans plus tard, cette donnée varie suivant le territoire : 35% dans l’Oise, 36,5% dans l’Aisne et 38,2% pour la Somme. Des spécificités locales qui ne cachent pas certaines tendances tenaces chez les femmes entrepreneuses picardes.

Les entrepreneuses picardes disposent de plus en plus de diplômes du supérieur. Un phénomène imputable au fait que les créateurs d’entreprises, hommes et femmes, sont plus jeunes et s’inscrivent dans des générations bénéficiant du prolongement des parcours scolaires et de la généralisation de l’enseignement supérieur. Fait notable, les Picardes créent plus jeunes et sont plus représentées parmi les moins de 30 ans : 24,1 % (contre 22% en moyenne en France).

Selon une étude de l’Insee datant de juin 2015, ces initiatives tirent leur origine de la situation des Picardes : absence d’emploi, besoin de revenus et désir d’une indépendance professionnelle. La majorité des fondatrices d’entreprises n’étaient pas sur le marché du travail avant de se lancer : 32,5% des femmes (41% des hommes) étaient au chômage et 13% (4% des hommes) sans activité professionnelle, en congé parental ou pour convenances personnelles. Une situation professionnelle spécifique avec un net impact sur le choix d’activité, les Picardes optent pour celles à l’investissement de départ minime : 26% ont investi moins de 2 000 euros.

Un plan ambitieux

On retrouve dans des secteurs du commerce et de l’artisanat une forte concentration de dirigeantes : coiffure (14%), restauration (6,1%), boulangerie-pâtisserie (5,3%), services de débits de boissons (5%) et soins de beauté (4%). Au total, 85% des entrepreneuses picardes travaillent dans le tertiaire.

De surcroit, le secteur du commerce représente 25% du total de leurs créations d’entreprises et elles restent peu nombreuses à s’investir dans l’industrie (2,5%), les transports (1,4%) et la construction (4% pour les femmes et 30% pour les hommes). Afin de lutter contre ces inégalités et ces freins persistants, les pouvoirs publics ont lancé un plan pour favoriser l’entrepreneuriat auprès des femmes.

Libérer les derniers freins sociaux, économiques et culturels à l’entrepreneuriat, tel est l’objectif de ce plan. L’État (la Délégation régionale aux droits des femmes et à l’égalité), le conseil régional et la Caisse des dépôts et consignations se sont associés pour élaborer un plan d’actions destinées à promouvoir l’entrepreneuriat féminin. Un plan qui passe déjà pour une meilleure identification de cette dynamique primordiale à la vitalité de la région.

Chantal Lenoir est membre de la CCI Oise et a exercé comme juge consulaire.

Chantal Lenoir est membre de la CCI Oise et a exercé comme juge consulaire.

Des femmes entrepreneuses aux nombreuses qualités

Chantal Lenoir est à la tête de Cogelys, cabinet spécialisé dans le conseil en management et en recouvrement de créances situé à Montataire, près de Beauvais et Compiègne. Lancée le 22 janvier 2002, cette structure s’appuie sur une équipe de cinq personnes entièrement féminine. « Dans notre domaine d’activité, entendre et comprendre nos interlocuteurs fait la différence », souligne l’entrepreneuse, convaincue « que ces qualités d’écoute se retrouvent plus souvent chez les femmes ». Co-associée avec son époux, Chantal Lenoir estime la communication essentielle dans son couple pour réussir le double challenge d’être mère de famille et chef d’entreprise. « Lancer son entreprise, cela peut être une formidable aventure mais aussi vous bouffer totalement », explique-t-elle sans langue de bois. Son message aux femmes voulant se lancer ? « Il faut être convaincue de son projet, si on peut en parler pendant des heures, on peut convaincre ». Chantal Lenoir connaît le milieu des entreprises et reconnaît que pour certaines mentalités « ce sont des messieurs à la tête des entreprises ».

Entrepreneuriat au Féminin, les atouts d’un réseau

Au-delà des lois nationales, des initiatives locales existent pour faire bouger les chiffres de la représentativité féminine. En créant le réseau Entrepreneuriat au Féminin dans l’Oise en 2008, Annick Peltyn souhaitait se tourner vers les préoccupations et besoins des entrepreneuses. « Ce réseau au féminin forme des relais fédérateurs qui s’appuient sur le relationnel de la CGPME Oise pour favoriser le parcours des femmes chefs d’entreprises », explique la responsable du réseau, présent dans une soixantaine de départements. Sa démarche est aussi de construire une logique d’organisation active et constructive. Annick Peltyn va droit au but, écartant les fausses questions : « Être femme et chef d’entreprise difficile ou non, c’est pour moi possible, je crois en cette association car je tiens le plus souvent possible à mettre en avant les femmes chefs d’entreprises de l’Oise ». Placé sous le signe du volontarisme, Entrepreneuriat au Féminin organise une matinée d’échange et de convivialité sur le thème “L’artisanat se féminise, un métier à part entière” le 24 septembre à la FFB de Beauvais.