Maison Martigny : le caviste amiénois producteur au Québec

Gaël Mordac est aujourd'hui la sixième génération de la famille à la tête de la société Martigny. Il a été rejoint en co-gérance par Pierre-Antoine Pouillaud en 2020, lui-même formé à la cave Martigny dès son apprentissage. Gaël s'est attaché à suivre la voie des précurseurs du commerce et du négoce des vins et spiritueux dans la capitale picarde, l'essor du whisky à ses tous débuts dans les années 70 en était une. Il est allé plus loin en co-fondant avec Etienne d'Hautefeuille à Beaucourt-en-Santerre, la distillerie d'Hautefeuille en janvier 2016. «Pendant des années, les touristes nous demandaient quel était le vin ou l'alcool local picard, témoigne Gaël Mordac. Nous n'avions pas de réponse à leur apporter jusqu'à ce qu'on se dise que nous avions tout ce qu'il faut ici pour faire les mêmes distilleries qu'en Ecosse et proposer notre produit régional. Nous avons tout d'abord débuté avec du gin et des plantes locales de la baie de Somme. Puis nous avons démarré un alambic de whisky en mars 2017, il était commercialisé trois ans plus tard».

Après le whisky picard, le single malt du Québec

Aujourd'hui, les retours des amateurs sur le whisky picard sont très positifs, il est d'ailleurs diffusé sur tout le territoire national, avec une gamme complète qui a été développée. «Nous avons notre produit maison, se réjouit Gaël, c'est aussi le rêve de tout distributeur de donner naissance à sa propre gamme de produits». Le caviste amiénois ne s'est pas arrêté en si bon chemin, il a créé en février 2018 une deuxième distillerie avec Gaëtan Lefebvre, à Trois-Rivières au Québec : «Notre envie était de monter une des toutes premières distilleries du Québec et de faire du single malt de grande qualité». Les premières bouteilles sont arrivées en boutique en novembre 2024, à temps pour les dernières fêtes de Noël, «il a été très bien accueilli, confie Gaël, nous avons vendu plus de 900 bouteilles de single malt, tout en maintenant nos ventes de whisky picard».

Bien sûr, la Maison Martigny n'est pas qu'une cave à whisky, en témoignent les multiples références de vins, spiritueux, bières et champagnes. A son arrivée en 1990, Gaël Mordac se souvient d'un contexte commercial «déjà tendu, dit-il, il fallait miser plus sur la qualitatif que sur le quantitatif, sans pour autant proposer des produits de luxe. Nous avons conservé cette idée de produits accessibles, nous pouvons présenter une gamme allant de 5 € à 3 000 €, pourvu que ça soit bon». Une politique commerciale qui porte ses fruits : «Notre activité se porte bien, même l'effet covid nous a été bénéfique, sans aide, alors que nous avons vu d'autres cavistes au niveau national en difficulté». Les caves Martigny ont assimilé le fait qu'aujourd'hui, tous les codes ont changé : «Nous sommes comme tous les autres commerces, on ne peut plus rien expliquer. Alors pour notre part, on regarde, on fait le job et on se tient prêt».

Les nouveaux codes d'une clientèle plus jeune

L'observation des nouveaux modes de consommation, ils l'ont mise en pratique durant cette dernière période des fêtes de fin d'année : «Les gens sont venus avec leur budget et ils s'y sont tenus. Nous savions qu'il fallait leur laisser cette liberté, ils reviennent ensuite car ils ont été satisfaits de leurs choix que nous avons respectés». La Maison Martigny reste tout de même méticuleuse et reconnue pour ses conseils professionnels, mais l'atout principal mis en avant est celui du plaisir. Le plaisir, Gaël en prend également quand il voit les jeunes générations souhaitant découvrir des bons vins malgré un petit budget : «C'est là que nous pouvons les orienter vers un vin à moins de 10 € et ils vont se régaler tout autant. Ce sont aussi les codes d'une clientèle plus jeune, alors que les consommateurs étaient auparavant ultra-classiques, ils sont maintenant très ouverts sur des vins de tous pays et toutes régions, ils ont soif de découvertes».

Son métier de caviste prend là tout son sens : «Celui de dénicher le bon produit, peu importe d'où il vient, et de le transmettre». Il rejoint la devise de la Maison Martigny depuis toujours : «Humer, déguster, sourire».