LES EMPLOYEURS INCITÉS À METTRE LEURS SALARIÉS EN SELLE
Le Plan vélo, dévoilé le 14 septembre par le Premier ministre Édouard Philippe, contient des financements et un objectif chiffré. Certaines mesures concernent les collectivités, et d’autres les employeurs, qui doivent contribuer à développer l’usage de la bicyclette pour leurs salariés.
Auriez-vous imaginé, il y a quelques années, que le Premier ministre s’engage pour un plan vélo ? On aurait dit “écolo – vélo – rigolo”. Aujourd’hui, le vélo est considéré comme un mode de déplacement, tout simplement. » Face à l’intervieweur, JeanJacques Bourdin, sur BFMTV, François de Rugy, nouveau ministre de l’Écologie, désamorce par avance les critiques. Non, le vélo n’est pas un objet ridicule. Et on peut même l’utiliser pour se déplacer tous les jours. À Angers, le 14 septembre, Édouard Philippe a tenu à annoncer en personne les mesures figurant dans le Plan vélo préparé par le gouvernement. Ce plan est doté d’un financement, 350 millions d’euros d’ici 2024, et d’un objectif, 9% des trajets effectués à vélo à cette date. Aujourd’hui, seuls 3% des déplacements se font en selle, ce qui fait de la France un retardataire par rapport à ses voisins européens, les PaysBas ou l’Allemagne, mais aussi la Belgique ou l’Italie. « Le vélo, c’est une solution à de vrais problèmes du quotidien et à de vraies questions de société », a martelé Édouard Philippe. La bicyclette permet de « se déplacer vite, bien, au meilleur coût, et sans dépendre d’éventuels bouchons », soutient le chef du Gouvernement. Il n’a échappé à personne que le vélo, « sobre en carbone », contribue « à la transition écologique du pays ». Le gouvernement ajoute un ultime argument, s’il en fallait : le vélo est bon pour l’attractivité des villes. Il « permet de libérer des espaces publics précieux au cœur des villes et améliore la qualité de vie en diminuant la congestion et en dynamisant le commerce de proximité », peut-on lire dans le dossier de presse.
AU-DELÀ DU VÉLO EN LIBRE-SERVICE
Pour encourager les habitants à se mettre en selle, les collectivités se contentaient, il y a une dizaine d’années, de déployer des vélos en libre-service, tels le V’Lille lillois. Mais ces systèmes présentent deux écueils : ils coûtent cher à la collectivité, jusqu’à 4 000 euros par an et par vélo, et ne suffisent pas à abolir les réticences des habitants. Car le cycliste, pour se sentir en sécurité d’un bout à l’autre du trajet, n’a pas tant besoin d’un vélo municipal que d’aménagements de voirie, de carrefours sécurisés, de possibilités de stationnement et d’incitations, pas forcément monétaires. L’ensemble de ces dispositifs, parfois des petits détails qui ont chacun leur importance, dessinent un « système vélo » sécurisant et efficace. C’est à ce système qu’ont travaillé, pendant des mois, des conseillers de la ministre des Transports, Élisabeth Borne, elle-même convaincue, depuis sa nomination, des précieux atouts de la bicyclette. Le ministère a été sans cesse aiguillonné par la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB), qui rassemble près de 300 associations locales et 3 millions de cyclistes du quotidien, ainsi que par des associations environnementalistes, comme La Fondation pour la nature et l’homme, WWF ou Greenpeace. Pour remettre la France en selle, le gouvernement lance un appel à projets aux collectivités. La méthode, bien connue dans l’univers des transports publics, consiste à suggérer aux villes et aux agglomérations de réaliser des infrastructures qui seront financées en partie par l’État. Il s’agira principalement d’en finir avec la discontinuité des itinéraires, en construisant un encorbellement sous un pont ou une passerelle pour franchir une autoroute.
INDEMNITÉ VERSÉE PAR L’EMPLOYEUR
Le plan vélo veut également récompenser les futurs usagers. Une partie des militants associatifs réclament avec insistance une indemnité kilométrique qui serait obligatoirement versée par les employeurs aux salariés se rendant au travail à vélo. Mais cette Indemnité kilométrique vélo (IKV) obligatoire, à l’image des frais kilométriques ou du remboursement de l’abonnement aux transports collectifs, n’a jamais été à l’ordre du jour. Non seulement, en l’absence d’aménagements sécurisés, son effet serait limité, mais surtout, les organisations patronales n’ont jamais été consultées sur le sujet. En revanche, il existe bien, depuis 2015, une IKV facultative de 200 euros par an, octroyée par 128 employeurs, entreprises, associations et collectivités confondues, réunissant ensemble plus de 150 000 salariés. Ce dispositif doit être remplacé par un Forfait mobilité durable que chaque employeur, public ou privé, pourra accorder, dans la limite de 400 euros par an. En outre, l’État généralisera ce forfait pour ses agents « d’ici 2020, à hauteur de 200 euros par an », affirme le Gouvernement. Le vélo entrera par ailleurs, au même titre que la voiture ou le deux-roues motorisé, dans le barème fiscal, qui permet aux salariés de se faire rembourser leurs frais de déplacement. Le gouvernement compte par ailleurs réécrire une mesure facilitant la mise à disposition, par les entreprises, de flottes de vélos à leurs salariés. Un décret de 2015, mal rédigé par quelques parlementaires, insérait une remise fiscale pour les entreprises achetant des flottes de vélos à assistance électrique. C’était mal connaître le fonctionnement des flottes d’entreprise, automobiles ou autres, qui préfère la location. Le dispositif sera réécrit en intégrant la location de flottes, et en l’étendant à l’ensemble des bicyclettes, avec ou sans assistance électrique. D’autres volets du plan gouvernemental visent à installer des arceaux de stationnement dans les gares, ou encore à généraliser l’enseignement de la bicyclette à l’école d’ici 2022. Toutes ces mesures ont été saluées aussi bien par la FUB que par le Réseau action climat, qui rassemble plusieurs ONG environnementalistes. Mais ces associations soulignent aussi que la promotion du guidon s’inscrit en contradiction avec les choix du Gouvernement en matière de mobilité. « Le maintien de projets routiers », tels que les contournements de Strasbourg ou de Rouen, « annonce un gâchis environnemental et financier auquel il est encore temps de renoncer », écrivent-elles.