Les aides à la création d’entreprises peu efficaces, selon la Cour des comptes
Les nombreux dispositifs d’aide à la création d’entreprises sont peu efficaces. Un récent rapport de la Cour des Comptes met en cause une absence de stratégie globale de la part de l’Etat et une insuffisante coordination des actions des pouvoirs publics.
A première vue, tout va bien…. En 2011, avec ses 549 805 nouvelles entreprises créées, la France se place au premier rang européen. Néanmoins, le rapport de la Cour des comptes sur les dispositifs d’aide à la création d’entreprises, publié en décembre 2012 et récemment présenté à l’Assemblée nationale, dévoile une réalité moins reluisante. Et, tout d’abord celle du « taux de pérennité limité » de ces entreprises. Seulement 66 % des entreprises françaises créées en 2006 étaient toujours en activité en 2009, et 52 % après cinq ans d’existence. Or, d’après le rapport, c’était prévisible : les entreprises nouvellement créées présentent souvent des caractéristiques qui, statistiquement, les conduisent à la case faillite : elles sont très petites, et de forme individuelle. De fait, en 2011, plus de la moitié des entreprises étaient créées sous le régime de l’auto-entrepreneur. En outre, 70 % des sociétés démarrent sans accompagnement par une structure spécialisée. Or, cette démarche a un « impact sensible sur le taux de pérennisation », rappelle le rapport. Logiquement, la politique publique devrait « viser prioritairement à corriger les caractéristiques des entreprises nouvellement créées qui ont un impact négatif sur leur pérennité », poursuit la Cour des comptes.
A l’heure actuelle, « les pouvoirs publics nationaux et locaux mettent en oeuvre de nombreux dispositifs de soutien à la création d’entreprises », note le rapport. Certains bénéficient directement aux créateurs d’entreprise, comme les subventions, les exonérations, les prêts et garanties. D’autres relèvent plutôt de l’aide indirecte, avec des missions d’information, du développement du capital risque… Résultat, le coût total de ces actions est « difficile à évaluer », expliquent les magistrats de la Cour qui avancent le chiffre de 2,7 milliards d’euros. L’essentiel (80 %, des dépenses, soit 2,1 Mds d’euros) prend la forme d’aides directes aux créateurs. « Au regard de l’ensemble des dépenses de l’Etat et des collectivités locales en matière d’intervention économique, ces montants sont limités », estime la Cour des comptes.Et, de fait, c’est sur les modalités de l’action publique que l’institution concentre ses critiques. Il n’existe ni réelle réflexion stratégique d’ensemble, ni pilotage des multiples organismes publics qui interviennent dans ce domaine, estime la Cour. Le rapport relève que ce sujet est rattaché à plusieurs politiques : le soutien au dynamisme du tissu économique et des territoires, la réduction du nombre de chômeurs et le développement des entreprises innovantes. « Les dispositifs se multiplient sans vue d’ensemble de leur efficacité », écrivent les rapporteurs. En amont, en effet, pas moins de trois ministères sont concernés, ainsi qu’une pléthore d’organismes publics, parmi lesquels Pôle emploi, la Caisse des dépôts et consignations (CDC), Oseo et l’Agence pour la création d’entreprises (APCE). Résultat : les créateurs d’entreprise sont désorientés face à « un millefeuille illisible, qui ne bénéficie finalement qu’à une minorité d’entre eux », pointe le rapport. De plus, les financements risquent d’être mal aiguillés, et un surcoût de gestion est probablement induit par ce financement parcellisé. Autre souci, relève la Cour, un « déséquilibre en faveur des chômeurs dans la répartition des aides incite les créateurs de toutes catégories à passer par le statut de demandeur d’emploi pour pouvoir bénéficier des aides auxquelles il ouvre droit ». De plus, d’après les auteurs du rapport, les demandeurs d’emploi créent le plus souvent des TPE qui ont des chances limitées de survie, d’autant que les aides ne sont en général pas couplées à « une incitation à l’accompagnement, à l’exception de NACRE (Nouvel accompagnement pour la création et la reprise d’entreprise, ndlr) », ajoute la Cour. Pour les entreprises innovantes, les entreprises aidées restent peu nombreuses. Quant aux entrepreneurs “classiques”, qui sont les plus nombreux, ils ne sont pratiquement pas visés par des dispositifs de soutien spécifiques, notent les rapporteurs. Autre disfonctionnement, de taille, les aides sont concentrées sur la phase de la création. Après, les dispositifs se raréfient. « Il faut soutenir la capitalisation des entreprises en phase d’amorçage et de premiers développements », propose la Cour. De manière générale, elle préconise la définition d’une stratégie d’ensemble en matière d’aides à la création d’entreprises, un renforcement du pilotage et une coordination de la mise en oeuvre des dispositifs au niveau régional, ainsi qu’une simplification du système. L’institution préconise aussi de donner la priorité aux aides qui bénéficient à tous les créateurs d’entreprise, à l’accompagnement et à prendre en compte les premières années de vie de l’entreprise.