L’intérim et les emplois aidés en hausse constante
Malgré les mesures récentes, telles que les aides à l’embauche ou le recours aux emplois aidés, qui ouvrent à de nouvelles opportunités, le contrat à durée indéterminée (CDI) reste la forme majoritaire d’emploi en France. Cependant, les entreprises ont de plus en plus recours aux contrats à durée déterminée (CDD), aux missions d’intérim, aux contrats d’apprentissage ou aux emplois aidés. En Picardie aussi.
Selon l’étude de l’Insee “Crise économique et formes particulières d’emploi en Picardie” parue en décembre dernier, le temps plein en CDI tend à ne plus être la norme. En effet, les crises économiques des années 1990 et 2008 ont fortement contribué au changement « de comportement des acteurs intervenant sur le marché du travail ». De fait, de nombreuses entreprises se sont adaptées « à la chute de l’activité par la baisse du volume
d’emploi (flexibilité externe), d’autres par la baisse des heures travaillées et/ou des salaires (flexibilité interne) ». Ce recours, de plus en plus fréquent, dans le contexte actuel de chômage de masse, résulte du choix des salariés d’accepter ce type d’emplois.
Des politiques publiques volontaristes
Pourtant, l’État a tenté d’accompagner ces évolutions avec le souci de lutter contre le chômage, en donnant un cadre, notamment par l’intermédiaire des contrats aidés, ou d’alternance. En agissant de la sorte, les politiques publiques souhaitaient intervenir de manière positive sur « le niveau de l’emploi ou sur l’insertion professionnelle des personnes en difficulté sur le marché du travail ». Cet encadrement volontariste n’a pas permis de limiter la progression du chômage, notamment chez les jeunes qui se sont même vus proposer des contrats de
plus en plus courts. Ce type d’emplois a durablement inscrit des salariés dans l’instabilité, mais à parfois servi de passerelle pour accéder à un emploi stable. De fait, la Picardie dont le poids de l’industrie est fort, et où le chômage, souvent de longue durée est important, n’a pas échappé à ces formes particulières d’emplois, caractérisés par des contrats à durées limitées. Ainsi, selon l’Insee, en 2010, parmi les 645 000 salariés des secteurs privé et semipublic de la région (hors fonction publique d’État, agriculture et services domestiques), 96 000 salariés (14,9%) occupaient un emploi « de forme particulière » (CDD, intérim, apprentissage et emplois aidés. À l’intérieur même de la région des disparités existent : les territoires les plus au nord, dont l’économie est la « plus fragilisée », ont plus recours à ce type d’emplois. En Picardie, comme en France, le CDD symbolise la première forme d’emploi, avec 45 000 salariés en région, suivi de l’intérim (28 000), de l’apprentissage (12 000), et des contrats aidés subventionnés par l’État (11 000). En revanche, « le recours aux contrats à durée déterminée est moins important que dans beaucoup d’autres régions, l’économie est davantage orientée vers le secteur tertiaire marchand ou la construction ». En conséquence, selon l’Insee, la Picardie se retrouve au 18e rang des régions françaises (sans tenir compte du découpage, et de la nouvelle organisation territoriale), avec 6,8% de CDD en volume du travail salarié (contre 7,5% en moyenne française en 2010). Ceux-ci étant – selon l’étude de l’Insee – plus développés « dans la zone d’emploi d’Abbeville, grâce à sa partie littorale et dans la zone de Péronne tournée vers l’agroalimentaire ».
Intérim et contrats aidés La région se positionne en 4e place des régions française en terme de recours à l’intérim. Cette situation s’explique par la structure économique de la Picardie. L’intérim est notamment utilisé dans les zones d’emploi industrialisées telles que Compiègne, la Thiérache et la Vallée de la Bresle-Vimeu (industrie chimique, fabrication de produits informatiques et optique, fabrication d’équipements électriques, la métallurgie). En outre, la Picardie ayant un niveau de chômage parmi les plus élevé de France, la région mobilise les dispositifs de la politique d’emploi plus que la moyenne (1,5% contre 1% en France métropolitaine). Pour le recours aux contrats aidés, la Picardie se situe en 3e position. Ils sont davantage utilisés dans les zones d’emploi ayant une forte poussée du chômage (Thiérache, Tergnier, Laon et Abbeville), notamment dans les activités de services et activités associatives. Enfin, l’Insee révèle que la Picardie a souvent recours à l’apprentissage, notamment
dans l’est de l’Aisne, la Vallée de la Bresle, le Vimeu ou le Beauvaisis, où le « volume de travail salarié atteint 2,1% en 2010 contre 1,8 % en moyenne en France », plaçant la région en 9e position en France. Selon l’Insee, le taux de recours aux formes particulières d’emploi serait plus élevé dans la Somme, et moins visible dans l’Aisne et l’Oise.
Ajustement concentré sur l’intérim
La crise économique de 2008, qui a commencé par toucher l’industrie avant de se propager aux autres secteurs, a plus fortement affecté l’économie picarde avec un repli de -2,7% du volume total d’heures travaillées, alors que la moyenne nationale a atteint « une quasi-stabilité en métropole (+0,1%) ». Ainsi, « les formes particulières d’emploi ont absorbé la moitié de la baisse du volume de travail salarié en Picardie », quand cette baisse a été modérée par la création d’emplois stables pour le reste de la France. De fait, en période de crise, l’intérim devient le levier d’ajustement prioritaire de l’emploi, et encore plus en Picardie avec -28,8% d’heures salariées en quatre ans contre -19,7% en France. En outre, il y a eu une baisse du nombre de contrats dans la région (-58 000) et une progression de temps partiels et de contrats courts. Enfin, l’étude souligne que globalement les perspectives d’accès à un emploi stable s’avèrent différentes selon l’origine contractuelle. Les intérimaires s’insèrent le mieux : près de 17% d’entre eux obtiennent un CDI à temps plein, contre 9% pour les anciens apprentis et 4% pour ceux ayant bénéficié d’emplois aidés. En revanche, la région est à contre-courant puisque près de 63% des intérimaires picards en mars 2010 l’étaient toujours sept mois plus tard. Tandis que pour les salariés occupant d’autres formes particulières, 70% avaient conservé le même type de contrat.
Camille SCHAUB