Chômage : le pire est à craindre !
Le confinement de la moitié de l’humanité et la mise à l’arrêt de nombreux pans de l’économie mondiale ont conduit à une hausse vertigineuse du taux de chômage dans presque tous les pays. Mais le pire est certainement encore à venir…
La crise économique actuelle possède un caractère inédit en ce qu’elle résulte de l’arrêt volontaire de l’économie par les Gouvernements – phénomène baptisé the Great Lockdown (le grand confinement) -, afin de faire face à la pandémie de la Covid-19. Dès lors, il n’est guère étonnant que le taux de chômage connaisse une formidable envolée presque partout dans le monde. Hélas, les moteurs de l’économie mondiale avaient pour une large part déjà calé au cours de l’année 2019.
Le taux de chômage en France
Selon l’Insee, au premier trimestre 2020, le taux de chômage au sens du BIT s’élevait à 7,8% de la population active en France (hors Mayotte), en baisse de 0,9 point par rapport au premier trimestre 2019. Mais la crise sanitaire est passée par là et les premiers chiffres communiqués par Pôle emploi sont extrêmement mauvais. En avril, le nombre de demandeurs d’emploi en France (hors Mayotte) inscrits à Pôle emploi en catégorie A (sans emploi), s’élevait à 4,57 millions, en hausse de 843 000 personnes par rapport au mois de mars. Il s’agit de la plus forte progression jamais enregistrée depuis la création de cette série en 1996, qui touche toutes les classes d’âge et dans toutes les régions.
“Il s’agit de la plus forte progression jamais enregistrée depuis la création de cette série en 1996“
Mais à bien y regarder, la formidable hausse des inscrits en catégorie A provient, pour l’essentiel, de la diminution sensible (-633 600) des demandeurs d’emploi en activité réduite (catégories B et C). Au total, le nombre de demandeurs d’emploi en catégories A, B et C augmente de 3,6% au mois d’avril. Ce sont bien entendu les salariés des secteurs du BTP, du commerce, des services à la personne, de l’hôtellerie, du tourisme, du transport et de la logistique qui payent le plus lourd tribut à cette crise. Les mesures d’aide gouvernementales, comme le chômage partiel qui a concerné plus de huit millions de personnes au mois d’avril, auront certes permis d’atténuer temporairement le choc. Mais si l’arrêt des embauches devait se confirmer au second semestre 2020, un taux de chômage à 10% en fin d’année ne serait pas qu’une vue de l’esprit… D’autant que les emplois recréés ne le seront pas forcément dans les mêmes secteurs que ceux où ils ont été détruits.
Zone euro
Dans ses prévisions économiques du printemps, la Commission européenne s’attend à une récession tout aussi profonde qu’inégale et à une reprise incertaine. Le taux de chômage de la zone euro devrait augmenter de 7,5% en 2019 à 9,5% en 2020, avant de retomber à 8,5% en 2021, si les moteurs de l’activité redémarrent. Dans le détail, le chômage augmentera beaucoup plus fortement dans les États où les contrats de courte durée sont nombreux et où l’emploi dépend fortement de secteurs vulnérables, comme le tourisme. Le taux de chômage pourrait ainsi atteindre à la fin de l’année 10% en France, 4% en Allemagne, 5,9% aux Pays-Bas, 18,9% en Espagne, 11,8% en Italie… Cette crise, pourtant symétrique dans la mesure où elle touche tous les pays, n’aura pas eu partout les mêmes conséquences sur l’emploi, ce qui démontre une nouvelle fois l’hétérogénéité structurelle des économies au sein de la zone euro, et toute la difficulté à mettre en œuvre une politique économique commune.
Américains vs Européens
Aux États-Unis, le taux de chômage, qui était descendu à 3,5% en février 2020, est remonté en flèche à 14,7% deux mois plus tard . Entre-temps, ce sont plus de 41 millions de personnes qui ont perdu leur emploi, dans un pays qui, conformément à une vision libérale de l’économie, accepte de subir un tel choc à court terme, avec la croyance que la reprise sera rapide et riche en créations d’emplois. Tout le contraire de l’Union européenne (UE) où des plans massifs en faveur des entreprises et des travailleurs ont été mis en œuvre pour amortir le choc, quitte pour cela à soutenir des entreprises déjà en perte de vitesse avant la crise. C’est que la question du chômage, avant d’être économique, est sociale et donc hautement inflammable.
Toute la question est alors de savoir quelle est la part de ce chômage qui est conjoncturelle – c’est-à-dire résultant d’un simple ralentissement temporaire de l’activité économique – et peut donc être résorbée par une politique économique de relance. En revanche, si les pertes de compétences des salariés et les destructions de capacités de production sont irréversibles, alors la hausse du chômage sera essentiellement structurelle, c’est-à-dire qu’elle sera le résultat de déséquilibres profonds et durables sur le marché du travail. Enfin, concernant les jeunes, seront-ils la génération sacrifiée de cette crise ?