Une économie régionale sur de bons rails mais qui peine à recruter
Rendez-vous incontournable organisé depuis 20 ans en région, les rencontres régionales de l’économie ont eu lieu courant février dans les antennes territoriales des CCI. L’occasion pour l’organisme consulaire, la Banque de France, la Chambre d’agriculture et, pour la première fois, la Chambre de métiers et de l'artisanat, de dresser le bilan de l’année écoulée et les perspectives pour 2020.
« 2019 ne s’est pas si mal passée. Les entreprises ont su préserver leurs marges. On peut être globalement positifs sur l’état d’esprit du monde entrepreneurial », résume Philippe Hourdain, président de la CCI Hauts-de-France. Il faut dire que dans un contexte économique incertain – Brexit, tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis, repli du commerce mondial… –, les entreprises régionales manquent souvent de visibilité. Pourtant, elles maintiennent leurs investissements et envisagent de recruter, dans un marché de l’emploi extrêmement tendu.
Au niveau national, malgré un léger fléchissement du PIB en 2019 (1,2% contre 1,7% en 2018), l’économie française s’est montrée plutôt résiliente et affiche une meilleure performance que l’Allemagne ou l’Italie, portée par une demande intérieure robuste, des conditions de financement favorables, une consommation des ménages en hausse (+1,2% en 2019 contre 0,9% en 2018) et un investissement en croissance à +3,9%. Un million d’emplois ont aussi été créés entre 2018 et 2019. En Hauts-de-France, 2019 aura été marquée par une croissance de l’activité moins dynamique que prévu, même si les dirigeants maintiennent leur optimisme.
Dans l’industrie
Kathie Werquin-Wattebled, directrice régionale de la Banque de France, annonce une « déconvenue » pour l’industrie, avec un léger tassement de la progression du chiffre d’affaires (-1,4%), une stabilisation des effectifs, mais aussi un recul de l’investissement à -3,2%. Des baisses qui s’expliquent notamment par un repli des exportations dû à la contre-performance de l’Allemagne, un des principaux clients de la région. Les secteurs industriels qui investissent le plus sont la chimie (+102%), le textile (+13,4%) et les matériels de transport (+7,5%). Sur les 5 milliards d’euros investis en Hauts-de-France, 3,7 émanent de l’industrie, 1,1 des services marchands et 0,3 de la construction, des prévisions quasiment identiques pour 2020 (5,03 milliards). Néanmoins, pour 2020 les industriels annoncent une reprise d’activité, notamment à l’export (+4,5%). « La bonne surprise, c’est que les chefs d’entreprise prévoient une croissance de chiffre d’affaires de 3,5% et de 6,3% pour l’investissement », ajoute Kathie Werquin-Wattebled.
Dans les services
Toujours porteur de bonnes nouvelles, ce secteur continue sa belle progression avec une croissance de +2,2%. Les effectifs ont été renforcés (+3,1%), même si les entreprises ont marqué une pause en 2019 (-8,1%) après des investissements importants consentis en 2018 (+14%). Toutes les branches des services ont enregistré une croissance de l’activité, avec une bonne progression des activités informatiques et de communication (+5,7%), du transport et de l’entreposage (+2,5%). « La rentabilité dans les transports est en amélioration, le secteur est robuste », ajoute Kathie Werquin-Wattebled.
Dans l’agriculture
Près de trois agriculteurs sur cinq estiment que l’année 2019 a été bonne ou plutôt bonne. Des résultats encourageants même s’il existe des différences entre les filières. Si l’année est particulièrement positive pour les filières porcines et laitières, la situation est plus compliquée pour les betteraves ou les céréales. « 2019 a été marquée par une très longue sécheresse avec la canicule, mais aussi par les inondations à l’automne dernier. Il pleut plus brutalement mais sur des périodes plus courtes, et cela déstabilise le secteur », explique Olivier Dauger, président de la chambre régionale d’agriculture Hauts-de-France. Mais près de trois agriculteurs sur dix restent tout de même pessimistes. « Les charges ne cessent d’augmenter. Et nous importons plus que nous n’exportons alors que la région est source d’une importante diversité agricole, tant en termes de systèmes que de production, regrette Olivier Dauger, inquiet par rapport au Brexit : Que vont devenir les productions vendues en Angleterre ? Elles risquent de se retrouver sur le marché européen, c’est un vrai défi. Les agriculteurs ont peu de visibilité. »
Dans l’artisanat
« En 2019, nous avons enregistré un solde net de 8 500 entreprises créées », se réjouit Gabriel Hollander, vice-président de la chambre de métiers et de l’artisanat Hauts-de-France. En région, le secteur compte 94 000 entreprises pour 160 000 salariés et 13 000 apprentis. S’il avoue que le secteur a mis davantage de temps à sortir de la crise de 2008, Gabriel Hollander se félicite d’une année 2019 relativement bonne avec une belle consommation des ménages et des taux d’intérêt bas, idéaux pour les investisseurs et les porteurs de projet. L’activité est restée stable, avec deux secteurs qui tirent leur épingle du jeu : le BTP et l’artisanat alimentaire. Reste à régler la problématique du manque de main-d’œuvre qui peut freiner les commandes.
Le recrutement : la préoccupation majeure des dirigeants
Cela reste le gros point noir : il est toujours difficile d’embaucher dans la région. Avec un rythme de créations d’emplois moins soutenu qu’il y a deux ans – 8 937 emplois créés en 2019 contre 9 074 en 2018 et 17 134 en 2017 –, la région souffre d’un déficit d’emplois à hauteur de 23 000, non récupérés depuis la crise de 2008. Seul le territoire de l’Aisne a connu une baisse de ses effectifs (-527 emplois) alors que les autres territoires ont tous affiché des évolutions et notamment le Grand Lille avec plus de 7 000 emplois gagnés, soit la plus importante progression sur cinq ans. Néanmoins, l’industrie continue de détruire des emplois : 12 000 emplois en cinq ans et 2 172 sur 2019. Sans surprise, les services portent l’emploi régional à hauteur de 56,5% pour 821 744 emplois enregistrés au 3e trimestre 2019. Le taux de chômage (10,5%) reste encore plus élevé que la moyenne nationale, certains territoires souffrent particulièrement : Valenciennes (14%), Maubeuge (13,9%), la Thiérache (14,7%) et la zone autour du Tergnier, dans l’Aisne (13,2%). Mais 18% des dirigeants prévoient tout de même de recruter en 2020, notamment l’industrie (38%), le transport et la logistique (37%). Reste à trouver le bon collaborateur puisque 43% des dirigeants sont concernés par les difficultés de recrutement.