Subventions : le monde associatif s'inquiète
Affaiblies par des baisses ou des suppressions de leurs subventions de la part des départements, de nombreuses associations tire la sonnette d’alarme. Les conseils départementaux, eux, pointent la diminution des dotations de l’État et les conséquences de la loi NOTRe qui modifie leurs compétences.
C’est un véritable cri du cœur. Dans une lettre ouverte datée du 25 mai et adressée aux présidents des conseils départementaux de la Somme et de l’Oise, le Comité régional des associations de jeunesse et d’éducation populaire (Crajep) dénonce les « conséquences dramatiques » des réductions de subventions qu’elles subissent. Des craintes partagées par d’autres associations de la région. « Nous nous attendions à des baisses, bien sûr, mais pas aussi importantes », regrette Patrick Thiery, président de Picardie Nature. L’association, qui œuvre pour faire connaître et défendre la nature dans la région, bénéficiait en 2015 d’une subvention de 52 000 euros du département. Son président, « conscient qu’il faille faire des efforts », s’attendait à voir celle-ci réduire de moitié pour 2016. Elle sera finalement de 15 000 euros et de … 0 euro en 2017. Un coup de massue pour Patrick Thiery : « Nous étions déjà en difficultés. Cette décision nous achève. Nous avons dû fermer le centre de soins dédié à la faune sauvage et licencier la personne qui s’en occupait. » Des conséquences économiques, donc, mais pas seulement. « Avec 1 500 appels par an pour venir en aide aux animaux blessés, nous avions le sentiment de répondre à une demande sociale. De plus, nous avions développé un savoir-faire dans ce domaine, c’est du gâchis… » Pour Laurent Somon, président du département (LR), cette suppression de subvention est logique : « L’environnement ne fait plus partie de nos compétences. »
Somme : -14% pour le sport et la culture La loi NOTRe, entrée en vigueur le 7 août 2015, recentre les départements sur leur fonction de solidarité sociale et les décharge de plusieurs compétences, comme l’environnement ou la formation professionnelle, qu’elle transfère à la Région. Dans plusieurs domaines – culture, sport, promotion des langues régionales, éducation populaire – les compétences sont partagées entre les deux institutions. « Nous aurions pu choisir de nous désengager dans le sport et la culture par exemple, cela nous aurait facilité la vie. Mais ce n’est pas le cas, car je les considère comme des exigences éducatives, sociales et territoriales », se défend Laurent Somon. Des déclarations qui ne convainquent pas Nicolas Saelens, responsable artistique de la compagnie du Théâtre Inutile, amputée d’une subvention de 15 000 euros. « Le manque de soutien aux compagnies aura des conséquences sur l’aménagement du territoire car il crée un éloignement artistique et un fossé entre les populations ». Le président du conseil départemental de la Somme se justifie : « Nous devons en priorité satisfaire nos propres politiques culturelles. À cause des baisses des dotations de l’État – 33 millions d’euros depuis 2014 – et le nombre de bénéficiaires d’allocations de solidarité qui augmente, nous n’avions pas d’autre choix que de nous restreindre en matière de culture et de sport, soit moins 14% pour les deux. » Le spectacle vivant et le sport professionnel sont les plus impactés, comme l’explique Laurent Somon : « Avec le peu de moyens dont nous disposons, nous avons choisi de nous recentrer sur l’essentiel, c’est-à-dire être au plus près des gens. Nous avons un territoire verdoyant, nous allons donc développer les activités sportives de plein air. Cela permet de faire des économies et de favoriser l’accès au plus grand nombre. »
Renouer le contact Le président du conseil départemental de la Somme reconnaît avoir été « pris de court » pour ce premier budget et avoir « intégré les difficultés des associations ». Il souhaite donc désormais « travailler conjointement avec les partenaires culturels et sportifs pour construire ensemble le prochain budget ». À ce titre, un agent du Département spécialement nommé aura bientôt le rôle de « renouer les liens avec les acteurs du monde associatif. » « C’est une bonne idée mais il faut accélérer les choses car nous manquons de visibilité. Or, dans notre domaine, les projets s’inscrivent dans la durée », nuance Nicolas Saelens qui remet également en cause le système d’appels à projets mis en place par le conseil départemental. « Il s’agit d’une aide à hauteur de 50% du coût global TTC, la subvention étant plafonnée à 10 000 euros, ce n’est pas avantageux. Et les compagnies ne peuvent pas se permettre de multiplier les appels à projets de ce type pour vivre ».
Une pression accentuée en 2017 Ailleurs dans la région, le régime est le même. La Ligue de l’enseignement de l’Oise (éducation populaire et jeunesse) doit désormais faire une croix sur les 100 000 euros annuels qu’elle percevait jusque là du conseil départemental de l’Oise, présidé par Édouard Courtial (LR). Sans compter la suppression des aides forfaitaires pour les centres de loisirs et les classes de découverte, ce qui représente environ 17 000 euros supplémentaires. « Il va falloir absorber tout ça », souffle Slimane Bouraya, directeur général de l’association. « Il y a des conséquences pour nous qui allons devoir réorganiser nos services et peut-être nous séparer de certaines personnes. Mais il y a aussi, et surtout, des conséquences sur de nombreux enfants qui ne vont plus pouvoir partir. Notre seule option pour continuer notre action, c’est de répercuter ces manques sur la contribution des familles. Or pour certaines d’entre elles, 60 euros de plus ce n’est tout simplement pas possible. » Slimane Bouraya, également président du Comité régional des associations de jeunesse et d’éducation populaire (Crajep) Picardie, écrit dans une lettre ouverte destinée aux présidents des départements que « la situation est inacceptable et va conduire à détruire des actions qui ont nécessité des années de travail pour leur mise en place et notamment dans les zones rurales les plus reculées ». Il regrette par ailleurs que certaines associations aient été informées de ces décisions très tardivement et parfois par voie de presse. « Les subventions pour la culture ont baissé de 41% dans l’Oise. Quand on tue la culture on tue le développement économique local », pointe-t-il. Un chiffre qui n’a pas pu nous être confirmé par le conseil départemental de l’Oise, nos sollicitations étant restées sans réponse. Le président du conseil départemental de l’Aisne, Nicolas Fricoteaux (UDI), a de son côté réduit les aides aux associations « de l’ordre de 10% en moyenne » mais dans un « esprit progressif, en les lissant dans le temps ». « Le conseil départemental a d’abord maintenu le versement de certains financements dans le cadre de l’exécution de certains engagements pluriannuels qu’il convenait d’honorer ». Confronté lui aussi « à une pression financière qui s’accentuera, hélas, en 2017 », le Département de l’Aisne sera sans doute à son tour « obligé d’effectuer de nouveaux arbitrages ».