Les professions libérales, thermomètre de la santé du territoire ?
Les professions libérales contribuent au dynamisme territorial. Ces entreprises représentent 17% de l’ensemble des TPE en France et 11% du PIB, d’après une étude commanditée par l’OMPL, l’observatoire de ces métiers.
Dessine-moi une profession libérale… « Il y a une certaine méconnaissance du public et même des élus, qui ne connaissent pas bien l’entreprise libérale », estime Hugues Juricic, du cabinet Pollen Conseil, spécialisé dans la prospective et l’évaluation des politiques publiques et professionnelles. C’était le 13 décembre 2013, à Paris, lors de la présentation d’une étude sur le rôle et l’impact des entreprises libérales dans les territoires, réalisée pour le compte de l’OMPL, l’Observatoire des métiers dans les professions libérales. D’un point de vue méthodologique, l’étude s’est concentrée sur les entreprises qui comptent des salariés dans 14 domaines d’activité, parmi lesquels la santé, le juridique et le cadre de vie (architectes…). L’échelle communale a été choisie avec des villes de tailles diverses, dont Paris, retenue pour représenter les grandes métropoles.
Au-delà de leur relative invisibilité, les entreprises libérales (1,1 million, au total) représentent 17% des TPE au niveau national. Ce chiffre chute à 7% pour les entreprises qui rentrent dans le cadre de l’OMPL. La quasi-totalité d’entre elles compte moins de 20 salariés. Leur poids varie sur le territoire, en fonction du type d’agglomération. Ainsi, elles représentent environ 7% de l’emploi d’une petite commune et 17% pour Paris. « Il y a une concentration dans les métropoles », note Hugues Juricic. A l’exception de Paris, la répartition des professionnels par activité est assez similaire dans les différents types de communes. Ainsi, dans la santé, le taux varie entre 77% et 79%, et le juridique tourne autour de 13%. « Il y a un poids très important de la santé », analyse Hugues Juricic. Paris présente un profil un peu particulier. En effet, le taux des professions libérales dans le secteur de la santé est inférieur à la moitié. En revanche, « les avocats et architectes sont concentrés sur les grandes métropoles », poursuit l’expert.
L’enjeu du service en zone rurale
Sur l’ensemble du territoire, la répartition des professions libérales est très inégale. « Nous avons 93% des entreprises dans les centres urbains, ce qui est normal », constate Hugues Juricic, qui évoque toutefois une « résistance de l’activité de l’entreprise libérale » en milieu rural. Pharmaciens, médecins, notaires demeurent relativement présents dans l’espace rural, à en suivre l’OMPL. « C’est un peu la dernière activité qui peut subsister », commente Hugues Juricic. Les professions libérales sont un « excellent thermomètre du dynamisme local », commente pour sa part Jean-Alain Mariotti, président de la CCI de Lot-et-Garonne et membre du CESE, Conseil économique, social et environnemental. L’étude note, par ailleurs, que certains territoires voient l’installation de professions libérales. « On voit que l’effet de l’attractivité des territoires joue en faveur des départements du Sud », précise ajoute Hugues Juricic. Quant à l’impact économique des professions libérales sur le territoire, il « peut être chiffré en termes de valeur ajoutée, mais ça n’est pas le seul critère », juge-t-il. En effet, si leurs activités ne génèrent pas ou peu de sous-traitance et d’exportation, elles ont un effet sur le pouvoir d’achat des salariés, sur l’investissement immobilier et l’activité bancaire. De plus, souligne Hugues Juricic, « il y a une création d’externalité, avec une amélioration du bien-être et une contribution à l’attractivité des territoires ».
De fait, à en suivre les témoignages recueillis lors de l’étude, le grand public perçoit les professions libérales comme « un service dont on ne peut pas se passer », que ce soit dans les petites ou les grandes agglomérations. Par cercle concentrique de proximité, la santé, d’abord, suivie du juridique et du cadre de vie. Et à l’heure où les services publics s’effilochent dans les zones rurales, pour Jean-Alain Mariotti, il s’agit là d’une piste de développement. Pour lui, il faut créer des « passerelles », entre ce qui constitue un service public, et des structures existantes sur le territoire – éventuellement privées –, capables de le prendre en charge. Exemple : le relais Poste, qui permet de rendre un service aux usagers et constitue une activité commerciale supplémentaire pour un commerçant en difficulté. Les passerelles, oui, mais remplacer le public par le privé, c’est non, estime pour sa part Michèle Chaix, membre de la direction confédérale de la CGT, en charge notamment de l’ensemble des questions afférentes aux TPE. Pour elle, « il faut faire la différence entre le service public et le service au public. Les entreprises libérales aussi sont intéressées à ce qu’il y ait un véritable service public ».