Le Mudo revisite le XIXe siècle
Le Mudo – musée de l’Oise – c’est d’abord un cadre exceptionnel, celui de l’ancien palais épiscopal qui date du XIIe siècle, situé au pied de la cathédrale de Beauvais. Et depuis sa réouverture en janvier dernier, le parcours de la visite a été repensé, avec des collections mettant à l’honneur le XIXe siècle, dans un jeu de correspondances entre tradition et modernité, pour élargir le regard du visiteur.
Au XIIe siècle, Henri de France, frère du roi, décide d’édifier un palais pour les évêques-comtes de Beauvais, quatre siècles plus tard, l’évêque Louis-Villier de l’Isle-Adam fait lui reconstruire le logis principal dans un esprit Renaissance. Ce n’est qu’en 1981 que le bâtiment se transforme en musée, avec de 2012 à 2014 la rénovation du premier étage du palais (près de 10 millions d’euros). Si le site qu’abrite le musée est atypique, ses collections le sont également – avec un fonds historique de céramiques du Beauvaisis et une exceptionnelle collection de sculptures médiévales picardes – et un choix assumé de mêler les œuvres du XIXe siècle à des créations contemporaines.
En utilisant les dernières technologies : la visite s’effectue grâce à des applications pour smartphones (pour adultes et enfants) distribuées gratuitement ou téléchargeables, une médiation numérique qui a vocation d’enrichir et aiguiser le regard.
Un aménagement repensé
Le site classé Monument historique abrite des trésors architecturaux, à l’instar de ces quatre sirènes musiciennes, vestiges des fresques peintes au plafond du châtelet d’entrée qui datent du XIVe siècle, et restaurées en 2013. Dans la même salle trône dans sa vitrine un dieu guerrier gaulois, retrouvé dans la rivière Oise, « c’est une oeuvre majeure pour les archéologues, explique Carole Michel, responsable de la communication du musée. L’année prochaine seront exposés plusieurs autres trésors archéologiques. » Car depuis sa mue achevée en début d’année, le Mudo n’a de cesse de se renouveler.
Au rang des prochaines nouveautés : l’ouverture f in août d’un nouvel espace jardin de 400 m² jouxtant le pignon sud du palais. Pensé par deux paysagistes locales (Sylvie Expert-Bezançon et Clotilde Viellard-Buchet de l’atelier du Serpentaire), l’aménagement fait écho à la vocation vivrière des jardins de l’évêque, avec des alcôves en charmille rappelant la basse-cour de l’époque, des arbres fruitiers en colonne, une vigne palissée… le tout agrémenté de trois œuvres en céramique réalisées par des potiers isariens, en écho aux collections du musée, avec toujours le même objectif – mettre en valeur le patrimoine local.
Et c’est dans cet esprit que l’aménagement du premier étage a été pensé, avec un parcours débutant par un “hommage” au préfet Jacques Cambry, le premier à avoir pensé au tout début du XIXe siècle à mettre sur pied un musée, pour valoriser les richesses du département. La muséographie renouvelée dans les différentes salles tend elle à renforcer l’identité des collections du XIXe siècle par une présentation thématique, qui incite les visiteurs à osciller entre œuvres classiques, de différents pays, et modernes, et à poser un regard éclairé sur un genre émergent : le paysage. « Ce n’était auparavant pas un genre considéré comme noble, et sa reconnaissance intervient en tout début de siècle, indique Carole Michel. Les artistes peignent en pleine nature et non plus dans leurs ateliers, se rendent en Italie, versent dans l’orientalisme, réalisent des études de portraits… Les œuvres donnent à voir ce basculement artistique, et montrent comment les paysages sont vecteurs d’émotions, avec un jeu sur les atmosphères. » Un jeu particulièrement visible avec la toile de Paul Huet, Le retour du grognard, peint en baie de Somme. « Nous avons également souhaité exposer des œuvres de peintres de l’école danoise, des études du ciel et de la mer, pour que les visiteurs puissent comparer le traitement, différent d’un même thème dans d’autres pays, le découpage du paysage n’est pas traité de la même façon, il est plus lumineux », poursuit Carole Michel. Un jeu de miroir et de dialogue que l’on retrouve avec l’oeuvre vidéo d’Ange Leccia – pionnier du genre – et accrochée au milieu des toiles classiques, une vue verticale de l’eau en mouvement…
Un siècle foisonnant
Le XIXe siècle se déroule au fil des salles, les œuvres retraçant les différentes tendances de l’époque : traitement du paysage (avec toujours en regard des œuvres d’artistes étrangers, comme Sisley qui peint des paysages plus lumineux que ses homologues français), scènes historiques ou bibliques, art graphique, peintures et sculptures décoratives ou encore la politique et l’art. « Le XIXe siècle est extrêmement riche à tous les niveaux, politique, social, économique… et l’art suit le mouvement, en se démocratisant, se réinventant et reprenant des motifs du passé pour se les réapproprier, en suivant pour faire court le bouleversement du siècle », note Carole Michel. La table tactile installée dans une des salles permet de constater via trois applications ce foisonnement d’idées et de nouveautés, en apportant par la même occasion des informations supplémentaires sur les œuvres exposées. Une des pièces maîtresses du Mudo reste sans conteste L’enrôlement des volontaires de 1792, oeuvre monumentale (9 mètres sur 5) de Thomas Couture, peintre senlisien entre autres maître de Manet et dont on fête le Bicentenaire de la naissance cette année. « La toile, inachevée, et commandée initialement pour l’Assemblée nationale par le gouvernement de la Seconde République, sera restaurée en public du 12 au 23 octobre prochain, révèle Carole Michel. Et de nombreux événements tourneront autour de ce bicentenaire, des concerts, lecture, etc. en lien avec les autres musées de la région. » Le parcours de la visite s’achève avec le renouveau de l’art religieux, témoin du mouvement de reconstruction et de restauration des églises (plus du quart des édifices catholiques ont été érigés au XIXe siècle). Parmi la vingtaine de sculptures et de peintures marquant cette renaissance, L’étude de Vierge d’Ingres… Une mutation réussie pour le musée, dont la fréquentation est passée de 25 000 visiteurs par an avant rénovation à plus de 35 000 depuis sa réouverture le 25 janvier dernier…
L’espace sous charpente de 14 mètres de hauteur abrite jusqu’au 30 septembre 2015 Axis Mundi de Charles Sandison. L’artiste de renommée internationale qui a eu « un coup de cœur pour le musée », de l’aveu de Carole Michel, a créé une installation spécifiquement dédiée au Mudo. L’artiste s’est inspiré du fil conducteur du musée, pour projeter (grâce à 16 ordinateurs) dans l’espace plongé dans une semi-pénombre des mots, issus de différents écrits locaux –comme l’inventaire des œuvres du musée ou Les fortunes et adversitez de Jehan Régnier (1526) – qui se télescopent et naviguent sur la charpente, pour un instant se transformer en un millier de points lumineux, un ciel étoilé pour un instant suspendu…
Infos pratiques
– 1, rue du Musée 60000 Beauvais.
–Tel. : 03.44.10.40.50.
– Ouvert tous les jours sauf le mardi et certains jours fériés de 11 heures à 18 heures (entrée libre).
–À partir du 19 septembre jusqu’au 4 janvier
2016 : exposition À chacun son jardin : une passion d’artistes.
–Jusqu’au 30 septembre 2015 : installation Axis Mundi de Charles Sandison.
Le Mudo – musée de l’Oise – en chiffres
– 950 peintures
– 990 sculptures
–11 790 pièces archéologiques
–3 895 dessins
–2 490 estampes
– 30 agents
–25 000 visiteurs en 2013