Le click and collect, indispensable et insuffisant
Obligés de rester fermés, de plus en plus de petits commerçants se tournent vers des solutions de click and collect, encouragés par les collectivités locales, l’État et les milieux économiques. Une solution loin de compenser les pertes en trésorerie.
Non, les commerces classés “non essentiels” ne rouvriront pas avant, peut-être, le 1er décembre. C’est ce qu’a annoncé Jean Castex, Premier ministre, lors d’une conférence de presse, le 12 novembre. Bien qu’attendue, la mesure n’en constitue pas moins un choc pour les petits commerces. Déjà très éprouvés par le premier confinement, ils doivent écouler leurs stocks de marchandises réalisés en prévision des fêtes de Noël. La situation est encore aggravée par la concurrence des plate-formes de commerce en ligne, Amazon en tête, vers lesquelles risquent logiquement de se tourner les Français confinés.
Pour les petits commerces, c’est autant de facteurs qui rendent plus prégnante la nécessité de se tourner vers le click and collect et la vente en ligne. Pour les y aider, le gouvernement a mis en place des dispositifs à hauteur de 120 millions d’euros. La moitié du budget est consacré à l’accompagnement des collectivités locales qui souhaitent développer une plate-forme locale de commerce en ligne. L’autre moitié est dédiée à l’accompagnement en direct des commerçants. Des prestataires labellisés par le gouvernement se sont engagés à fournir des services gratuits, durant le confinement. Et les petites entreprises peuvent obtenir un chèque de 500 euros, dans l’objectif de financer l’acquisition de solutions numériques. La somme devrait être versée dès janvier dans le cadre du dispositif qui devrait bénéficier à 120 000 petites entreprises. « Nous accueillons favorablement ces nouvelles mesures. Cela fait plusieurs années que nous disons que le commerce est devenu multicanal. Aujourd’hui, avec la Covid, c’est devenu indispensable. L’essentiel est d’avoir quelque chose de concret, qui avance », commente William Koeberlé, président de CdCF, Conseil du commerce de France. Le plan du gouvernement sera mis en œuvre avec le soutien de plusieurs réseaux, et notamment les chambres de commerce et d’industrie (CCI) et les chambres de métiers et de l’artisanat (CMA) qui contacteront 60 000 entreprises par téléphone d’ici à la fin de l’année, et qui proposent accompagnements et solutions.
Les initiatives se multiplient
Partout dans le pays, des plates-formes ou solutions numériques dédiées aux petits commerces de proximité se multiplient. D’autres, existantes, se renforcent, fruit de la mobilisation de collectivités locales, de réseaux professionnels, d’acteurs privés, y compris des acteurs de la grande-distribution, ou de filières. Par exemple, 1 400 librairies, soit près de la moitié de celles présentes en France, pratiquent déjà le click and collect, contre 400 durant le premier confinement, d’après Le Monde du 6 novembre. Depuis mai, 250 sites de librairies ont été ouverts. Les collectivités locales, villes en tête, multiplient les initiatives, à l’image d’Angers (Angersshopping.com), Évreux (lesvitrinesdevreux.fr), Nice (Nice-shopping.fr ) ou Caen (caencommerce.fr). Dans cette ville, par exemple, la municipalité prend en charge la totalité de l’inscription à la plate-forme Supplyshop durant le premier trimestre, et à hauteur de 50% le deuxième trimestre. En retour, les demandes de commerçants affluent. Ollca, plate-forme privée spécialisée dans l’alimentation, annonce que le nombre de commerçants inscrits a presque doublé depuis l’annonce du deuxième confinement, passant de 400 à 700. Et 96% de ceux qui étaient arrivés lors de la première vague sont restés. En Côte-d’Or, « durant le premier confinement, le click and collect s’est un peu développé, mais essentiellement dans la restauration. Cette fois ci, nous remarquons une plus forte appropriation des outils proposés aux commerçants », constate Flavien Troubat, chargé des Usages numériques, commerce et tourisme, à la CCI Côte-d’Or. Laquelle propose aux commerçants le dispositif Achatville ( www.achat-cote-d-or.com). Aujourd’hui, de nouveaux commerces, de prêt-à porter, par exemple, s’y inscrivent.
Autant de solutions, locales, qui pourraient être préférables à l’adhésion à de grandes plates-formes, comme Amazon. « Les petits commerçants doivent rester extrêmement attentifs à conserver le lien direct avec leur clientèle, ainsi qu’au pourcentage sur les transactions que leur coûtent ces grandes plateformes, d’autant que le rapport de force est très inégal », prévient William Koeberlé.
Une solution d’urgence
L’ensemble du monde des petits commerçants n’en continue pas moins à plaider pour une réouverture des boutiques la plus rapide possible. Même si le click and collect, et plus largement le numérique, a joué, et devrait jouer un rôle toujours majeur dans leur modèle économique. « Durant le premier confinement, les commerçants qui ont conservé le contact avec leurs clients, que ce soit par du click and collect, ou simplement de la communication, sont ceux qui ont le mieux redémarré, qui sont revenus en septembre à des niveaux comparables, même si un peu inférieurs, à leur activité normale. Les autres ont connu une baisse beaucoup plus importante de leur activité », observe William Koeberlé.
Au mieux, des entrepreneurs témoignent d’une démarche qui prépare l’avenir. « On s’adapte, on va chercher l’activité ailleurs », explique par exemple Loïc Bruté de Remur, arboriculteur, patron de Les Vergers de Saint Jean, près de Montpellier. Pour le deuxième confinement, il a mis sur pied un dispositif de click and collect pour les particuliers, en passant chez les restaurateurs qu’il livrait auparavant, et auxquels il verse une commission. Il travaille actuellement à ouvrir bientôt un « magasin connecté agricole » où les clients pourront notamment retirer leurs commandes dans des casiers réfrigérés. Mais pour l’instant, il réalise environ le quart de son chiffre d’affaires habituel.
Pour William Koeberlé « le click and collect est une bonne initiative, mais il ne résoudra pas le problème de la fermeture des magasins. Selon les activités, la vente en ligne représente 10% à 20% du chiffre d’affaires. La solution, c’est l’ouverture des boutiques. Si l’on n’ouvre pas, nombre de commerçants ne seront plus là en janvier… »