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La fraude fiscale et sociale

Christian Tassart, responsable LCTI Urssaf Picardie.
Christian Tassart, responsable LCTI Urssaf Picardie.
Christian Tassart, responsable LCTI Urssaf Picardie.

Christian Tassart, responsable LCTI Urssaf Picardie.

la bête noire des organismes publics
Dans un contexte où le gouvernement s’est engagé à réaliser près de 50 milliards d’économies, la fraude est devenue l’ennemi à abattre. Le plan national de lutte contre la fraude aux finances publiques 2014- 2015 récemment dévoilé renforce fortement les actions de lutte et les sanctions. En Picardie, les équipes des organismes publics sont déjà à pied d’œuvre dans la prévention et la lutte contre les fraudes.

L a fraude, selon la Délégation nationale à la lutte contre la fraude (DNLF) est « une irrégularité ou une omission commise de manière intentionnelle au détriment des finances publiques ». Les fraudes dans ce secteur touchent à la fois aux recettes publiques mais également aux prestations sociales. Le 22 mai, Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics et Christian Eckert, secrétaire d’État au budget, présentaient le Plan national de lutte contre la fraude aux finances publiques pour 2014-2015, adopté par le Comité national de lutte contre la fraude (CNLF). Ce plan est cette année particulièrement orienté vers la lutte contre les fraudes dites “complexes” à forts enjeux financiers. Il se décline selon quatre objectifs : mieux mesurer la fraude, mieux la prévenir et la détecter, mieux la sanctionner et enfin mieux communiquer. Michel Sapin, Christiane Taubira, garde des sceaux et ministre de la justice et Christian Eckert ont également signé une circulaire commune qui précise et renforce les sanctions en cas de fraude. Cette dernière est donc bel et bien devenue ennemi numéro 1 du gouvernement. Il faut dire que les chiffres sont parlants. Selon un rapport du syndicat Solidaires-Finances Publiques publié en 2012, la fraude fiscale coûterait chaque année à l’État entre 60 et 80 milliards d’euros. La fraude sociale coûterait quant à elle environ 20 milliards d’euros. Si l’on en croit ces chiffres, ce que coûte la fraude à l’État suffirait donc largement à recouvrir le déficit public du pays estimé à 84 milliards d’euros.

Carte d’identité des fraudeurs et de la fraude

Dans cette course à l’économie engagée par le gouvernement, les actions au niveau national s’accélèrent donc et donnent le ton. Au niveau régional, il existe des équipes au sein des organismes sociaux et fiscaux, chargée de prévenir, la fraude et de lutter contre, voire de la réprimer. Selon le public ciblé, les actions sont axées vers la prévention, la lutte ou la répression. La prudence, pour chaque organisme, reste de mise comme le souligne Anne Demay, responsable du service prévention des fraudes de Pôle emploi Picardie : « Nous faisons particulièrement attention dans l’instruction de nos procédures. Il convient de bien distinguer les erreurs, les oublis ou encore les incompréhensions des demandeurs d’emploi, des fraudes, qui sont non seulement intentionnelles mais bien souvent inscrites dans la durée. Les dossiers sont ainsi toujours considérés au départ comme incohérents et non frauduleux. Pour les déclarer comme tels, il nous faut des preuves. Tant que nous n’en obtenons pas, le demandeur continue à être indemnisé. » Si avec la crise, on pourrait penser que les fraudes liées aux aides augmentent, il n’en n’est rien. « Les personnes en grande difficulté financière ou familiale peuvent être poussées à frauder, mais cela reste très rare », indique Christophe Chantal, agent comptable intérimaire à la Caf de la Somme. Le fraudeur se trouve en effet bien souvent comme le décrit Anne Demay, « dans une situation qui n’est pas forcément difficile mais confortable ». Christian Tassart, contrôleur et responsable du service Lutte Contre le Travail Illégal (LCTI) à l’Urssaf de Picardie, renchérit : « Ce sont des personnes qui connaissent parfaitement le système et ses failles. Ils en profitent et savent parfaitement ce qu’ils font. » Certaines fraudes sont plus courantes que d’autres. À Pôle emploi Picardie, le cas de figure le plus courant est le cumul d’une activité professionnelle avec une allocation chômage. Viennent ensuite la non-déclaration d’une création d’entreprise, l’emploi fictif ou encore la résidence à l’étranger. À la Caf de la Somme, les fraudes résultent à 39% de l’absence de déclaration, à 30% de fausses déclarations et à 15% de vie maritale non déclarée. Sur le total des fraudes recensées, la majorité s’effectue sur les minima sociaux (57%), puis sur les aides aux logements (23%). Enfin à l’Urssaf de Picardie, dans le domaine du travail illégal, les fraudes peuvent prendre des formes multiples : absence ou incohérence dans les Déclarations préalables à l’embauche (DPAE), situations de détachement non valides, etc. Des secteurs d’activités sont plus à risques que d’autres tels : le BTP, l’hôtellerie/ restauration ou encore les services. Outils et actions Pour se prémunir ou lutter contre ces fraudes, ces organismes ont à leur disposition de nombreux outils et mettent en place diverses actions. Tout d’abord, le travail partenarial reste fondamental. L’Urssaf de Picardie travaille ainsi régulièrement en collaboration avec la gendarmerie, la police, la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte) et la Mutualité sociale agricole (MSA). « Cela permet de mutualiser les efforts », déclare Christian Tassart. « Nous échangeons régulièrement avec nos partenaires. En outre, nous avons souvent accès à leurs bases de données, ce qui nous permet de croiser et recouper les informations et ainsi détecter les incohérences », ajoute Christophe Chantal. Pôle emploi Picardie a ainsi accès aux fichiers de la CNAV (assurance retraite), de l’Urssaf ou encore au Répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS). « L’accès aux informations que contiennent ces outils sur les usagers limite déjà fortement les possibilités de fraudes », déclare Anne Demay. Outre ces outils partagés, les organismes disposent également de leurs “armes” en interne. Pôle emploi Picardie dispose ainsi de l’Authentification des données, un outil métier au départ mais qui est vite devenue un outil de prévention et de détection des incohérences. L’Urssaf a quant à elle accès aux comptes bancaires, depuis la loi de finances 2008. La Caf de la Somme dispose pour sa part du Datamining, qui permet de détecter les dossiers présentant des risques de fraudes élevés. Le signalement reste également un outil de détection très utile. « Trois-quarts des dossiers instruits le sont suite aux signalements des conseillers ou des partenaires », avoue Anne Demay. Une fois détectée une anomalie, les contrôles peuvent ensuite se faire de manière physique ou administrative (sur pièces justificatives).

Prévention et sanctions

Pour ces trois organismes, la lutte contre la fraude passe également par la prévention. « Toute l’année, nous essayons de rencontrer un maximum de personnes lors de différents événements, appuie Christian Tassart. L’objectif est de rappeler les règles et les outils à disposition des entreprises pour leurs différentes déclarations. En 2013, nous avons ainsi rencontré 1800 cotisants ». Pour Pôle emploi Picardie, la prévention passe par le biais de ses conseil-lers qui sont fortement sensibilisés afin de détecter les incohérences dans les dossiers, et ce dès l’inscription des demandeurs d’emploi. La Caf de la Somme s’efforce dans le même registre de détecter les anomalies le plus vite possible, afin que ces dernières ne dégénèrent pas en fraudes. « Nous nous inscrivons avant tout dans la prévention. Si cela n’est pas possible, nous essayons d’être le plus pertinents possible, tout en gardant à l’esprit notre impératif d’économie de moyens », souligne Christophe Chantal. Les sanctions en cas de fraudes sont proportionnelles à la faute et différentes selon les organismes Pour l’Urssaf, comme le relate Christian Tassart, « dans le pire des cas, pour une personne physique c’est 45 000 euros d’amende et trois ans d’emprisonnement. Nous réclamons également les cotisations dues et effectuons un redressement forfaitaire de six fois le smic à temps plein, majoré de 25% par salarié. Les exonérations dont bénéficiait l’entreprise peuvent être également annulées ». Pôle emploi et la Caf demanderont quant à eux le remboursement à l’amiable de la dette. En cas de récidive ou de non-respect du remboursement, des poursuites pénales peuvent être engagées.