Fruits Rouges & Co, les saveurs de la réussite
Créée en 1990, Fruits Rouges & Co produit des fruits frais, surgelés et transformés à destination des particuliers, des professionnels et des industriels. Elle travaille avec 70 producteurs locaux des Hauts-de-France et dans le Grand Est mais l’entreprise est aussi présente en Espagne, au Portugal, et au Maroc. Mélanie Marchand, directrice des opérations et co-actionnaire de l’entreprise, raconte le succès de l’entreprise créée par des producteurs.
La Gazette de Picardie : Vous avez repris l’entreprise en 2010 avec trois autres actionnaires, quelle a été votre motivation ?
Mélanie Marchand : Je suis arrivée chez Fruits Rouges & Co en 2004 par hasard, j’ai postulé après mes études à une offre d’emploi. Après une prépa HEC sur Paris et un diplôme d’École de commerce basée dans le Sud de la France, je souhaitais revenir sur ma région natale en tant que Saint- Quentinoise. J’ai commencé en tant que commerciale chez nos clients boulangers-pâtissiers et je me suis passionnée pour le produit. Dés 2008, Sylvie Cathelain m’a parlé d’un projet de reprise qui s’est concrétisé en 2010, avec deux autres managers co-dirigeants (Stéphane Decourcelle et Philippe Cervi) nous avons repris l’entreprise avec l’objectif de valoriser son potentiel industriel et de répondre aux attentes du marché.
Dès le début, nous avons mis un point d’honneur avec nos équipes à sélectionner les meilleurs produits et à concevoir des gammes en phase avec les attentes des clients, tout en restant fidèles aux valeurs fondatrices de l’entreprise : la confiance, l’écoute, la rigueur, le respect et l’agilité. Notre raison d’être est de fournir des fruits rouges frais, fruits surgelés et transformés à partir de fruits issus de modèles agricoles durables, sains, sûrs, accessibles à tous, dans le respect de la Terre et des Hommes.
Quel a été l’enjeu de la reprise ?
J’ai grandi dans une PME familiale spécialisée dans le textile et j’avais ce souhait d’entreprendre. Il y avait un côté rassurant à ne pas reprendre seule, nous sommes quatre à diriger, ce qui est atypique mais aussi rassurant et complémentaire. On ne connaît pas la solitude du dirigeant, on peut partager à plusieurs et trouver la solution plus facilement dans la confrontation de nos idées. Notre reprise de l’entreprise représentait un réel défi. Nous nous sommes structurés autour d’un comité de direction venant d’horizons variés, certains ayant évolué dans des PME familiales, d’autres dans des structures industrielles, mais tous partageaient la même détermination à donner une nouvelle impulsion à Fruits Rouges & Co. Au fil des années, nous avons élargi notre offre, notamment en intégrant des fruits exotiques, des fruits du vergers, des fruits certifiés BIO, de nouveaux conditionnements répondant ainsi à des demandes d’industriels et de restaurateurs. Et d’un autre côté, tous les efforts des équipes de Fruits Rouges & Co ont permis de démocratiser auprès du grand public des produits sains qui se consomment rapidement sans avoir besoin de les éplucher.
Quelles innovations ont été mises en places récemment ?
L’innovation est au coeur de notre stratégie. Nous collaborons avec nos équipes Qualité, R&D, nos ingénieurs agronomes et des pépiniéristes pour optimale, comme pour la myrtille, où nous avons travaillé à renforcer son goût et sa texture. Cette année, nous expérimentons de nouveaux modèles agricoles avec une nouvelle génération de panneaux photovoltaïques semitransparents, qui offrent à la fois de l’ombre aux cultures et produisent de l’électricité. Nous explorons aussi des solutions de bio-contrôle pour améliorer la qualité de nos productions et réduire notre impact environnemental. Si ces solutions s’avèrent efficaces, nous pourrons les proposer aux producteurs.
L’entreprise a été récompensée pour ses performances à l’export, est-ce une stratégie importante ?
L’export est une part importante de notre activité. Depuis le début, nous participons aux salons internationaux, comme le SIAL (Salon international de l’Alimentation) et nous collaborons avec des organismes régionaux pour nous accompagner dans le développement de nouveaux marchés. Grâce à ces efforts, nos produits sont aujourd’hui présents dans plus de 60 pays, notamment en Asie, en Amérique du Nord et au Moyen- Orient, et nous continuons d’explorer de nouvelles opportunités. L’export de façon globale représente 15 à 17% de notre chiffre d’affaires et nous avons une stratégie de développement sur les cinq prochaines années.
Depuis la reprise, quelle a été la pire crise traversée ?
La crise Covid a été compliquée comme pour tous les industriels, elle a représenté un défi et nous a permis d’être plus résilients. Nous nous sommes serré les coudes et il a fallu continuer l’activité parce que nos producteurs étaient là mais aussi nos consommateurs. Du jour au lendemain, des clients notamment sur la partie restauration, ont annulé leurs commandes donc nous avons eu une baisse d’activité sur la partie produits transformés mais par contre, le consommateur était présent et achetait à travers la grande distribution. Cela a compensé. L’avantage c’est que nous avons trois métiers : celui du frais, du surgelé et du fruit transformé. Notre flexibilité et notre réactivité nous ont permis de maintenir notre activité.
Quels axes de développement avez-vous entrepris ?
Nous voulons relocaliser une partie de la production en local ou en France, notamment pour la framboise. Aujourd’hui, 87% des framboises consommées sur le marché français sont importées donc il y a matière à en relocaliser une partie. Nous menons aussi tout un travail pour décarboner les activités, Fruits Rouges & Co est co-fondateur de «Demain la Terre», association de producteurs et transformateurs de fruits et légumes engagés dans une démarche de développement durable. Dans chaque projet, nous réfléchissons à notre impact sur l’environnement, nous ne gaspillons rien et nous apportons de la valeur ajoutée à chaque fruit. On trouve aussi des débouchés aux co-produits donc par exemple les grains de fruit qui vont être extraits lors du raffinage et vont être utilisés par l’industrie pharmaceutique, dans l’industrie de l’alimentation animale ou en méthanisation pour recréer de l’énergie.
Ce développement s’accompagne de l’agrandissement du site de Laon ?
Nous avons agrandi à trois reprises le site de Laon ces dernières années pour ramener de la capacité supplémentaire et nous avons des travaux en cours sur la partie industrielle avec de nouvelles lignes. Nous voulons essayer d’automatiser certaines tâches même si cela est compliqué puisque le fruit rouge reste assez fragile notamment dans l’activité du frais. Nous avons huit lignes de tri et de conditionnement, sur l’activité industrielle, nous avons deux lignes de conditionnement de fruits surgelés et sur l’activité transformée, il y a six lignes de fabrication de purées et coulis. Et puis nous avons ouvert une plate-forme logistique à Perpignan, il y a quatre ans, qui permet de gagner en réactivité et en fraîcheur vis-à-vis de nos clients sur nos productions du sud de l’Europe et du sud de la France.
Comment se dessine l’avenir de Fruits Rouges & Co ?
Nous envisageons l’avenir de manière prudente mais optimiste. Nous avons la chance d’avoir des produits de plus en plus consommés donc le marché se développe. Sur un produit comme la myrtille, la consommation s’accroît sur les dix dernières années mais quand nous comparons avec le marché américain, nous savons qu’il y a encore des marges de développement. Notre objectif est de continuer à diversifier notre offre, de soutenir nos producteurs face aux défis climatiques et de renforcer notre présence à l’international. Nous croyons en une agriculture résiliente et durable, qui valorise les produits locaux tout en s’adaptant aux nouvelles exigences du marché.
En chiffres
157 M€ de chiffre d’affaires en 2023
31 000 tonnes de fruits travaillés
550 salariés dont 340 à Laon
12 000 m², la taille du site de Laon
Bonus
Un lieu favori
J’ai souvent besoin de me déconnecter dans la nature, je le fais à titre personnel en marchant en forêt par exemple. Cela m’amène des idées aussi. Et sur le plan professionnel, j’aime bien être chez les producteurs, goûter les produits, penser à des innovations. Même chose quand je suis à l’étranger, j’aime être en veille, aller voir ce qui se fait chez les producteurs locaux et rester sensible à des évolutions, à des attentes.
Une personnalité inspirante
Je n’en ai pas forcément mais en tant que manager ou responsable, on a tous des mentors. J’ai grandi dans une PME familiale, j’ai beaucoup échangé avec ma grand-mère qui était une femme de tête, maire de sa commune durant trois mandats. Il faut penser que seul on n’est pas grand chose, qu’il faut s’entourer et rester humble.
Un conseil à un jeune dirigeant
Il faut oser, rester aligné avec ses valeurs, et accepter la remise en cause. Et puis, il faut faire confiance au travail d’équipe, partager, confronter ses idées, prendre des conseils tout en étant moteur. Il faut avoir l’idée de rendre possible ce qui peut paraître impossible.