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Cité internationale de la langue française, les mots en fête

Ouverte au public le 1er novembre 2023, la Cité internationale de la langue française, installée dans le château de Villers-Cotterêts entièrement rénové, vient de fêter son premier anniversaire. Près de 300 000 visiteurs sont venus visiter la Cité dirigée par Paul Rondin qui évoque un succès impressionnant.

Paul Rondin, directeur de la Cité internationale de la langue française. (c) Marie-Line Waroude
Paul Rondin, directeur de la Cité internationale de la langue française. (c) Marie-Line Waroude

La Gazette de Picardie : Quel bilan tirez-vous un peu plus d’un an après l’ouverture ? 

Paul Rondin : Cela va au-delà de nos espérances. D’un point de vue quantitatif, nous sommes à plus de 270 000 entrées et nous serons sûrement à 300 000 à la fin d’année. C’est autant de retombées pour le territoire en termes d’hôtellerie et de restauration. Au-delà de cet aspect, la notoriété de la Cité est arrivée très vite du fait d’une très grande médiatisation au niveau national. Le danger, c’est que cela retombe aussi vite parce que plus on parle de vous très fort, plus il y a le risque qu’on passe vite à autre chose. Ce dont nous nous sommes aperçus rapidement, c’est que le bouche-à-oreille a pris le relais. Le public a envie de venir, revenir et recommander ce lieu. Nous avons le parcours permanent sur la langue française qui est un endroit magique, une fête foraine de la langue et des mots où on redécouvre sa langue. On se rend compte que c’est une langue monde, que c’est collectif, donc cela agrandit les horizons. Cela touche tous les publics et nous avons un mélange sociologique et géographique très intéressant. 

D’où viennent les visiteurs ? 

Nous avons une majorité de visiteurs du territoire au sens large, les Hauts-de-France, le Grand Est et l’Île-de-France. Les habitants de l’Aisne sont au centre de cela. Nous n’avions aucune notoriété en ouvrant, nous avions un nom un peu compliqué et nous nous sommes attachés à ne pas faire d’acronyme parce qu’il n’y a rien de plus excluant qu’un acronyme. Nous avons fait une communication extrêmement accueillante, avec de la couleur, avec des affiches voyantes, en disant à chacun de venir et que c’est ouvert. Nous avions un sujet un peu sérieux, la langue française, c’est quelque chose d’immatériel, il fallait tout de suite dire que c’est joyeux, festif, ce que nous assumons complètement. Ceux qui ont imaginé le parcours permanent, ce sont la philologue Barbara Cassin et Xavier North, qui a été délégué général à la langue française, soit un gage de sérieux et d’analyse de l’histoire de la langue. Notre travail est de dire que cela peut être accessible à tous les publics.

La Cité aura attiré près de 300 000 visiteurs pour sa première année d'ouverture. (c) Marie-Line Waroude

Quelle ambition est portée par la Cité ? 

Outre le parcours, les expositions temporaires, nous proposons un bouquet culturel fait de spectacles, de concerts, de lectures. Il s’y passe toujours quelque chose. Et c’est aussi un endroit où on peut être actif en participant à des ateliers par exemple et il y a en permanence des artistes en résidence qui travaillent. La Cité reçoit aussi des colloques, des séminaires sur des sujets qui ont à voir avec la langue comme prochainement un événement autour de l’enseignement du français dans le monde. Il y aura bientôt aussi un colloque sur la traduction. Cela amène à aller sur les questions du numérique, de l’intelligence artificielle et ses conséquences sur la langue, à s’interroger pour savoir si c’est un danger ou une chance. La Cité permet aussi aux visiteurs de participer à des ateliers numériques et d’accéder à des services comme celui d’une écrivaine publique. 

Comment la Cité s’est insérée dans le tissu local ? 

Nous avons rencontré l’ensemble des opérateurs du territoire pour leur dire que nous allions y arriver en travaillant ensemble et sans se faire concurrence. Nous avons par exemple travaillé avec la salle de concert la Biscuiterie à Château- Thierry, qui ne voyait pas comment s’insérer dans le projet, nous avons organisé ensemble le concert des Wampas ici et prochainement, il y a aura une réciprocité avec l’organisation commune d’un concert du groupe Mustang chez eux. Nous faisons aussi des offres de billetterie couplées avec d’autres acteurs, ou des coproductions avec la Comédie de Picardie par exemple. Nous sommes un établissement de l’État qui reconnaît les talents de la région et qui redistribue des moyens financiers dans un territoire qui en manque parfois. Et sur le plan politique, nous espérons que les politiques territoriales vont s’emparer de la Cité pour développer une politique culturelle et touristique globale parce que je suis convaincu que le territoire a un potentiel touristique incroyable mais méconnu. Si à côté de la Cité, vous proposez aux visiteurs de marcher sur les traces de Dumas, de Racine, de Claudel, de La Fontaine ou de Nerval, vous développerez un tourisme littéraire intéressant.

La langue française a trouvé son écrin à Villers-Cotterêts. (c) Marie-Line Waroude

La Cité, théâtre du Sommet de la francophonie

En octobre dernier, la Cité internationale de la langue française a accueilli le Sommet de la francophonie qui a réuni une centaine de délégations d’États et de gouvernements sur le thème « Créer, innover, entreprendre en français ». Le Sommet n’avait plus eu lieu en France depuis 33 ans. « Presque un an après l’ouverture, cet événement a été une réelle opportunité sur le plan de la visibilité et de la médiatisation internationale dans chacun des pays dont provenaient les chefs d’États, souligne Paul Rondin. Sur le fond, le Sommet a été l’occasion d’annoncer que se déploierait ici un centre de référence sur l’étude de la langue et de l’IA, un lieu unique en Europe et un collège international pour l’enseignement de la langue française dans le monde. Cela est structurant pour nous, le territoire et le pays, et derrière cela, il y a des investissements et de l’activité. Le Sommet a aussi Paul Rondin, démontré que la francophonie est une affaire qui nous concerne tous. »

Le ciel lexical dans la cour du Jeu de Paume. (c) Marie-Line Waroude