Chasseurs d’héritiers
À Amiens, des généalogistes traquent les héritiers qui s’ignorent au sein de l’entreprise Coutot-Roehrig. Fondée en 1894, cette société spécialisée en recherche d’héritiers et en vérification de dévolutions successorales recherche les héritiers pour le compte des notaires.
L’orsque j’ai retrouvé quelqu’un et que je l’appelle, c’est pour lui apporter deux nouvelles : une bonne et une mauvaise. La bonne : il hérite. La mauvaise : il a perdu un membre de sa famille », dévoile Jean- Marie Le Cam, directeur de la succursale amiénoise de Coutot-Roehrig qui en compte 38 dans le monde, dont la dernière, aux États-Unis. La majorité est en France, grande terre d’accueil et de flux migratoires. L’antenne d’Amiens est née d’une demande de proximité avec les notaires. En effet, ces généalogistes spécialisés sont mandatés par les notaires qui ont une succession à régler et des héritiers dans la nature et pas toujours lointains, la majorité ne se trouvant jamais à plus de 50 ou 100 km du défunt. « À l’heure de la communication à outrance, portables, Internet, des familles entières se perdent de vue. C’est le paradoxe de notre époque. On nous demande souvent de rechercher les enfants d’une personne décédée. C’est parfois plus compliqué dans le département de la Somme où de nombreuses archives ont disparu lors de la Première Guerre mondiale », ajoute le directeur qui travaille avec deux catégories de généalogistes : le chercheur et le régleur qui, lui, suit le dossier, travaille sur la partie juridique en lien avec le notaire et organise la liquidation de la succession. Il lui incombe d’apporter au notaire la preuve que les héritiers le sont bien sur le principe de l’ordre et du degré de parenté. Il remonte jusqu’au sixième degré, jusqu’aux cousins germains ayant eu des enfants qui en ont eux-mêmes engendré. Au-delà, l’héritage revient aux Domaines. En clair : à l’État.
Responsable devant la loi
En plus de son salaire fixe, de 2 000 euros environ en début de carrière, le généalogiste est rémunéré au pourcentage du montant de la succession. En effet Coutot-Roehrig assume tous les frais de recherche, « qu’elles soient nationales ou internationales, explique dit Jean-Marie Le Cam, et quelle que soit l’issue du dossier ». La rémunération sera calculée sous la forme d’un pourcentage et s’appliquera sur la part nette dévolue à l’héritier. Si la question est taboue, la profession prend un pourcentage de l’ordre de 5 à 20 % sur les 40 % de l’héritage restants et dévolus aux membres de la famille. Celle-ci n’est due qu’au moment du règlement effectif à leur profit. Cela peut prendre des mois, voire plusieurs années. Et le généalogiste successoral est responsable devant la loi en cas d’héritier oublié. Lorsqu’il procède au règlement de la succession, après l’inventaire immobilier, il vend bien souvent les biens car 60 % de l’héritage revient à l’État, passé le degré des enfants. L’exigence de ce cabinet est donc la performance afin d’optimiser les conditions d’exécution d’un dossier (liste complète des héritiers, informations pour l’acte de notoriété, expertise en questions fiscales, traductions linguistiques…). « Lorsque l’on retrouve un ou des héritiers, ils doivent savoir tout d’abord qu’ils ne risquent rien. Au mieux, ils héritent de l’actif comme du passif. Au pire, ils n’ont rien et donc pas de dettes. Lorsqu’un héritier renonce à l’héritage, nous l’annonçons au greffe du tribunal. Là, la succession est dite déficitaire et on ne touche rien. Il nous arrive parfois de travailler pour rien, en effet. Nous ne laisserons jamais tomber un dossier. C’est dans la philosophie de notre métier. Mais la majorité des dossiers aboutissent fort heureusement », poursuit le professionnel doté de onze années d’expérience.
Un milliard de données numérisées
Ces experts se lancent dans ce métier avec une maîtrise de droit ou d’histoire, et leurs assistants, avec un BTS notariat. Certains bons profils sont détectés par des chasseurs de tête. Ce fut le cas pour Jean-Marie Le Cam qui était expert en assurances. Une fois en poste et pour élaborer leurs documents de travail, l’arbre généalogique, les généalogistes passent une bonne partie de leur temps dans les mairies, aux archives départementales, aux greffes des tribunaux et sur leur ordinateurs. Ils ont accès à un milliard de données numérisées et indexées par leur société. À tous les décès en France depuis 1970 et toutes les naissances depuis 1890, ainsi qu’au recensement de la population par région. « Nous interrogeons aussi les vivants et menons un vrai travail de détective, résume Jean-Marie Le Cam. Bien souvent, des secrets de famille nous sont révélés. Nous sommes dans la pleine vie des familles, lorsque l’on retrouve des frères et des sœurs qui ne savaient pas qu’elles avaient cette famille. Mais la partie la plus compliquée de notre métier c’est bien d’annoncer un décès. Et les réactions face à une telle nouvelle ne sont jamais les mêmes. » principaux signataires : Edouard Magnaval, Artois, Frédéric Leturque, maire d’Arras, et Gabriel président de la chambre de métiers et de l’artisanat président de la section Pas-de-Calais.