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Cauchemars paranoïaques et utopie désenchantée

Trois films majeurs et méconnus des décennies 1960, 1970 et 1980 dans notre sélection de cette fin d'année.

James Woods et Deborah Harry dans Videodrome. © 1983. Universal Pictures
James Woods et Deborah Harry dans Videodrome. © 1983. Universal Pictures

Videodrome

Cette fable horrifique hallucinante – au sens propre et figuré – suit la sordide dérive de Max Renn, le patron d'une petite chaîne érotique sur le câble, qui capte par hasard un mystérieux programme-pirate dénommé Vidéodrome mettant en scène tortures et sévices sexuels. Son visionnage provoque peu à peu des hallucinations et autres altérations physiques. La frontière entre réalité et univers télévisuel devient alors poreuse, et la folie guette...

Videodrome (1983) est un film charnière dans l'œuvre de David Cronenberg qui, dès le sidérant Dead Zone la même année, opère un virage plus grand public, quittant les oripeaux de la série B gore. Pourtant, Videodrome entremêle déjà ses thèmes favoris : la technologie et le corps, la mort et le sexe, la violence et la contagion, ou encore la perte des repères entre le réel et l'imaginaire. Porté par l'interprétation délirante de James Woods et la présence magnétique de Deborah Harry, Videodrome est autant un vrai film d'auteur qu'un stupéfiant film de genre.

Elephant Films.

L’Œuf du serpent

Plébiscité pour son œuvre métaphysique et introspective, Ingmar Bergman désoriente le public et la critique lorsqu'en 1977 sort sur les écrans L’Œuf du serpent. Un film à part dans la filmographie du cinéaste suédois puisqu'il signe alors son unique film en langue anglaise. Tourné en Allemagne dans les mêmes décors que la série Berlin Alexanderplatz de Rainer Werner Fassbinder, L’Œuf du serpent se déroule en 1923 alors que Berlin connaît une période sans précédent de chômage. Abel Rosenberg trouve le cadavre de son frère, qui vient de mettre fin à ses jours. Mais pour l'inspecteur Bauer, les choses ne sont pas aussi simples : depuis un mois, sept morts mystérieuses ont eu lieu dans le quartier, et celle-ci semble liée aux précédentes...

Plongée terrifiante dans les racines du nazisme au milieu des années 1920, ce film suit la trajectoire d'un homme, interprété par David Carradine, confronté à une société en pleine déliquescence où «suintent» – selon les mots du narrateur – la dépression et la folie, la misère et le crime. Face à lui, Liv Ullmann est bouleversante en artiste de cabaret des bas-fonds, incarnant la désolation d’une époque où les plaisirs sont vains et le désespoir omniprésent. Soit un suspense paranoïaque traversé par une noirceur abyssale à découvrir absolument.

Rimini Editions.

Alice's Restaurant

Cinquième film d’Arthur Penn – il vient d'obtenir la consécration avec Bonnie and Clyde –, Alice’s Restaurant sort en 1969, à l'apogée de la révolution culturelle de la fin des années 1960 où l’utopie hippie est en marche et le Summer of Love célèbre la contreculture. Le récit suit les pas de Ray et Alice qui ouvrent un restaurant à côté de l’église désaffectée dans laquelle ils se sont installés. Tous leurs amis sont les bienvenus. Parmi eux, le jeune Arlo, chanteur de folk joué par Arlo Guthrie lui-même, qui taille la route, tentant de fuir la guerre du Vietnam et la police. Les fêtes se succèdent, l’utopie est en marche. Mais la petite communauté restera-t-elle unie ?

Alice’s Restaurant célèbre le désir de rébellion de cette nouvelle génération et s’inscrit dans le mouvement du Nouvel Hollywood lancé peu auparavant avec la sortie de Easy Rider. Malheureusement, le succès de ce dernier éclipse la réalisation d'Arthur Penn qui ne rencontre pas le public. Néanmoins, pour Jean-Baptiste Thoret, interrogé dans les bonus de cette édition, «le génie d’Arthur Penn est d’avoir réalisé un film à la croisée exacte de l’utopie des années 1960 et du désenchantement des années 1970». A noter la participation de la chanteuse Joni Mitchell pour un poignant guitare-voix sur «Songs to aging children come».

Rimini Editions.