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Abbeville : des bombardements à la Reconstruction

Une très émouvante exposition baptisée « Reconstruction, la renaissance d’un territoire (1940-1960)» est proposée jusqu’au 22 février au Carmel d’Abbeville. Constituée essentiellement de photos, elle permet de découvrir notamment comment le centre-ville a été repensé après avoir été quasi rasé.

Romain Zechser, un des commissaires de l’exposition.
Romain Zechser, un des commissaires de l’exposition.

Mai 40, des bombes incendiaires tombent par milliers sur Abbeville. Le centre-ville est détruit à près de 90 % : «L’hyper-centre a été très touché car nous étions sur des maisons d’époque médiévales fortement inflammables et très proches. Les rues étaient étroites. Les incendies se sont propagés de maison en maison. Cette exposition s’adresse aux jeunes générations qui sont attachées à leur ville et veulent comprendre ce qui s’est passé», dresse Romain Zechser, directeur du pôle patrimoine, chef du service patrimoine, qui est un des commissaires de l’exposition.

De larges voies pour la circulation

Un tableau exposé témoigne de ce riche passé que l’on peine aujourd’hui à imaginer. Restent de nos jours quelques pépites debout comme le restaurant l’Etoile du jour au 2 chaussée Marcadé, datant du XVIe siècle : « Dès 1941/1942, l’architecte Jacques Greber imagine un plan de reconstruction en spirale qui sera partiellement réalisé, poursuit-il. Il faut aller vite car les habitants vivent dans des logements provisoires. Il s’inspire de l’architecture régionale, reprend les codes de l’ardoise, de la brique, de la pierre, utilise des parements de béton, installe de grandes lucarnes triangulaires ou en demi-lune dans les toitures. On lui doit notamment en 1947 l’Hôtel de France devenu l’actuel Mercure, l’hôtel de ville inspiré des beffrois inauguré en octobre 60 ou une partie de la rue Saint-Vulfran. »

Le centre-ville comme il était avant mai 40.

Greber aménage des voiries assez larges pour la circulation des véhicules qu’il prévoit se densifier avec les décennies, des grandes places.. mais il traine à s’occuper de l’hyper-centre. Pénurie de matériaux, désaccords entre sinistrés quant aux procédures de remembrement… les problèmes s’accumulent. Toutefois, le 8 mai 1948, le président Vincent Auriol vient poser la première pierre de la reconstruction de la ville, comme en témoigne la photographie de cet événement exposée. Elle est dirigée par l’emblématique Max Lejeune, alors ministre de la Guerre.

Greber est remplacé en 1950 par Clément Tambuté qui va conserver le plan de voirie, simplifier la construction des immeubles, supprimer les lucarnes, élargir le cubage pour aller plus rapidement afin de reloger les gens et faire des économies. Rue Lesueur, les deux styles se font face. Seuls, des immeubles ponts ont été érigés pour casser des perspectives : « On pensait que Greber avait éventré la ville », indique Romain Zechser. La superposition, même partiel, du parcellaire détruit par l’aviation allemande en 1940 et du bâti reconstruit témoigne d’une densité nettement moindre.

La densité de la reconstruction est moindre.

La nostalgie des jours d’avant

Reste que pour les Abbevillois cette reconstruction va leur réserver des incertitudes : « Ce n’est pas parce que vous aviez eu une maison que vous alliez en retrouver une, souligne Romain Zechser. Des commerçants vont ainsi acheter des dommages de guerres à des habitants pour pouvoir avoir plus grand. On est toujours dans la continuité des cellules commerciales au rez-de-chaussée et des logements aux étages supérieurs. La reconstruction permet aussi de bénéficier du confort moderne comme des sanitaires et des salles de bains intégrés, d’une meilleure luminosité, d’espaces publics plus vastes. De nos jours, ces bâtiments sont durables et ne sont pas démodés. »


Pour les yeux de l’époque, cela était moins évident comme l’avait affirmé Max Lejeune : « Les contrastes de masses et de couleurs feront un ensemble convenable pour les yeux de vingt ans, tandis que les anciennes générations garderont le regret de leur jeunesse : la place et les rues aux vieilles maisons d’autrefois. » Dans le livre d’or, un visiteur a écrit : « Une belle exposition sur cette triste page de l’histoire locale. On apprend beaucoup », à croire que la cicatrice n’est pas prête se se refermer même pour ceux qui ne vivaient pas à cette époque là. L’exposition, qui repose en grande majorité sur des photographies, fait aussi la part belle à la reconstruction dans les communes de Fontaine-sur-Somme ou de Longpré-les-Corps-Saints.

Exposition jusqu’au 22 février, du mardi au samedi de 14h à 17h. Fermée le 25 décembre et la première semaine de janvier.