À Amiens, la réforme inquiète
Principal sujet abordé par le président du Tribunal de commerce d’Amiens, Martine Beaurain, qui tient à préserver la masculinisation de son titre : les projets de réforme qui ont secoué la profession en 2014. Et continuent en ce début d’année à poser question.
Après avoir salué la réélection de Christian de Jenlis, Didier Lavergne – par ailleurs désigné comme référent aux Modes alternatifs de règlement des différends (Mard) pour participer à une réflexion nationale, Christophe Duprez et Robert Théot, Martine Beaurain est revenue sur les projets de réforme qui touchent la justice consulaire. Si les juges sont en accord avec le gouvernement sur la forme, en substance rechercher des solutions à la crise dans un but de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises et s’attaquer au devenir de la justice commerciale, le fond pose lui problème. Pour mieux comprendre ce qui a amené la juges des 134 tribunaux de commerce de France à suspendre temporairement fin novembre 2014 leur activité, un rapide retour en arrière s’impose. Le 12 mars 2014 est publiée une première ordonnance sur la prévention et les procédures collectives (pour la simplification et sécurisation de la vie des entreprises).
Comme l’a rappelé le président, les juges adhèrent à ses objectifs qui tendent à « créer un cadre de confiance favorable à l’économie par un service de la justice clair et efficace », et ce même si, ironie du sort, « les textes écrits au nom de la simplification ne sont pas toujours simples à mettre en œuvre ».
Revivifier plutôt que dissoudre…
Le satisfecit n’est pas le même avec le projet de loi concernant les juridictions commerciales, projet soumis en janvier 2014 par la chancellerie. Si les juges ont approuvé l’obligation de formation « pour laquelle la 8e région consulaire dont nous faisons partie a accepté d’être région-test et de se soumettre aux obligations futures dès 2015 », a rappelé Martine Beaurain, c’est la partie portant sur l’échevinage qui a fait grincer les dents des juges. « L’échevinage en appel dans le cadre de chambres mixtes n’est réclamé par personne et son utilité n’est pas démontrée, le mélange de juges bénévoles et de professionnels ayant la même fonction pose un réel problème d’organisation et d’application », a-t-elle asséné sans se départir de son sourire.
Même mécontentement en ce qui concerne l’éventuelle création d’une “profession de l’exécution” qui résulterait de la fusion des professions d’huissier de justice, commissaire-priseur judiciaire et mandataire judiciaire, et la spécialisation automatique des dossiers de procédure : « En l’absence de précision sur l’objectif recherché, elle peut aboutir à une modification opaque de la carte judiciaire en fonction des seuils qui seront retenus et à créer des tribunaux à deux niveaux », a-t-elle estimé. Avec comme conséquence de démobiliser les juges de plus de 90% des tribunaux de commerce et « signifier ainsi la fin de cette institution ». « Notre message est clair, a poursuivi Martine Beaurain devant une assistance toute ouïe, oui nous souhaitons une réforme de la justice commerciale pour la revivifier et la régénérer, pour en assurer la pérennité, mais certainement pas pour la disqualifier, voire la dissoudre ! » Les juges ont partiellement été entendus par le gouvernement : suite à leur mobilisation, les mesures relatives à l’échevinage ont été retirées lors de la présentation du projet au Conseil des ministres du 3 décembre dernier.
La spécialisation automatique des dossiers, qui donne la possibilité de délocaliser un dossier d’un tribunal à l’autre « si les intérêts en présence le justifient », est elle en revanche toujours d’actualité. « Si après les discussions sur les amendements [ndlr, qui ont eu lieu la semaine dernière], le texte demeure en l’état, alors notre mouvement qui a été seulement suspendu peut reprendre à tout moment », a prévenu le président.
2014, indicateurs au vert pour le TC d’Amiens
– 205 entreprises ont passé des entretiens de prévention (contre 243 en 2013).
– 175 injonctions de dépôt de comptes sociaux (contre 33 en 2013).
– 380 procédures collectives (contre 408 en 2013, soit une baisse de 9,31%).
– 95 redressements judiciaires (contre 109 en 2013, soit une baisse de 12,84%).
– 248 liquidations judiciaires (contre 266 en 2013, soit une baisse de 6,77 %).
– 15 procédures de sauvegarde (une de plus qu’en 2013).
– 20 sanctions civiles prononcées (contre 7 en 2013 soit une augmentation de 185%).
– 333 affaires enrôlées (contre 299 en 2013, soit une augmentation de 11%).