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« Nous devons rester la boussole du chef d’entreprise »

La convention se tenait à Lille GrandPalais les 7 et 8 novembre.
La convention se tenait à Lille GrandPalais les 7 et 8 novembre.

Les 7 et 8
novembre derniers, près de 700 commissaires aux comptes étaient réunis à Lille
Grand-Palais pour leur convention nationale. En pleine révolution face aux
nouvelles dispositions prévues par la loi Pacte, la profession n’a d’autres
choix que de s’adapter, pour se refonder et conquérir de nouveaux marchés.

Le tsunami. C’est en ces mots que Jean Bouquot,
président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, a commencé
son allocution. Il faut dire que depuis l’adoption des dispositions de la loi
Pacte concernant le relèvement des seuils d’audit légal, la profession est en
plein bouleversement. « Nous ne l’avions
pas vue venir. Même si la loi Pacte a rempli la profession d’amertume et de
colère et que nous ressentons une sorte d’acharnement, nous nous donnons les
moyens d’un avenir ambitieux.
» L’adoption des dispositions de la loi Pacte
touche 153 000 mandats de commissaire aux comptes, alors que la profession en
dispose de 192 000 dans les sociétés commerciales, soit une remise en cause de
l’ordre de 40% de l’activité en termes de chiffres d’affaires. « Certains de nos confrères perdent tout. J’ai
donc veillé à ce que les institutions mettent en place des dispositifs
d’accompagnement
», soutient le président. C’est notamment le cas de
l’Apesa (Aide psychologique pour les entrepreneurs en souffrance aiguë), initiée
par les tribunaux de commerce, dont celui de Lille Métropole. Mais loin d’être
le signe de la fin d’une profession, cette convention nationale aura marqué le
début d’une remise en cause.

Agilité et
territorialité

Numérique, nouvelles missions, attentes des CAC de
demain… Deux jours pour repartir sur de nouveaux rails, bien loin d’un
sacrifice de la profession. Si le relèvement des seuils aura pour conséquence
la disparition des CAC sur les territoires les plus restreints, il va faire
exister la profession autour d’autres périmètres : « Au-delà d’être des CAC, vous êtes des entrepreneurs ! C’est en prenant
en compte cette dimension que nous allons dessiner notre avenir. Nous devons
créer des utilités et des complémentarités
», a tenu à rappeler Jean Bouquot.
Cela passe notamment par une cohérence entre la Compagnie cationale des
commissaires aux comptes – 33 compagnies régionales en France – et le Conseil
supérieur de l’ordre des experts-comptables (CSOEC), regroupés d’ici quelques
mois en un seul et même bâtiment à Paris, afin de mutualiser les commissions. «
Nous sommes complémentaires et dans un
certain type d’entreprise, il est important d’avoir un commissaire aux comptes
et un expert-comptable mais le législateur en a décidé autrement et je ne peux
que le déplorer. Dans certains pays, il n’y a aucune distinction entre les deux
professions. Nous ne voulons pas la mort des commissaires aux comptes ; ce qui
est important c’est que les professions d’expert-comptable et de commissaire
aux comptes se développent
», a tenu à préciser Charles-René Tandé,
président du CSOEC. Cette complémentarité passera aussi par un accompagnement
renforcé auprès des entrepreneurs : « Nous
devons rester leur boussole. Les entrepreneurs ont besoin de nos compétences et
nous devons être au rendez-vous de l’intelligence artificielle, mais aussi de
l’éco-responsabilité
», complète Jean Bouquot. En proposant des
institutions « rénovées » et « agiles », les CAC misent sur la
territorialité.

Large
concertation nationale

Initiée en janvier dernier, cette démarche de
rebond a rapidement été complétée par une concertation nationale, en mars. Via
Internet et une cinquantaine de réunions partout en France, organisées par les
compagnies régionales, cette concertation impliquait aussi des banquiers, des
chefs d’entreprise, des analystes… 4 000 participants ont été impliqués dans la
démarche et près de 2 000 ont exprimé leur avis. Les résultats sont plutôt
éloquents : sur la période de mars à juillet 2019, 43% des CAC se sont dits
inquiets ; 25% attentistes, 20% confiants, 10% défaitistes et 2% optimistes. Si
la plupart des jeunes entrants dans la profession semblent confiants – ils
n’ont pas pu exercer la profession telle qu’elle l’était avant les dispositions
de la loi Pacte –, ces résultats confirment l’inquiétude des CAC mais pour
autant, la profession doit s’ouvrir aux nouveaux marchés et notamment celui du
numérique, comme l’a rappelé Steeven Pariente, président national du club des
Jeunes experts-comptables et commissaires aux comptes (CJEC) : « La mission ALPE – audit légal des petites
entreprises – est une réponse à la perte des mandats de moins de 8 millions
d’euros de chiffre d’affaires et comble le vide créé par la loi. Cette mission
répond aux besoins immédiats des chefs d’entreprises. Notre futur marché est
là.
» Les CAC prévoient aussi de passer à la vitesse supérieure en termes
de communication d’influence auprès des institutions et parties prenantes
(Medef, CPME…), d’entamer une campagne médiatique auprès du grand public,
d’initier un label CAC pour les missions d’attestation et de diagnostic mais
aussi de communiquer sur un savoir-faire pour éviter que les chefs d’entreprise
ne voient le CAC uniquement comme une charge financière… « Le dirigeant doit nous accorder sa confiance. Le CAC est un garant de
la transparence et de la sécurité financière, il pousse l’entreprise à se
structurer en interne
», milite Farouk Boulbahri, président de la CRCC
d’Aix-en-Provence / Bastia.