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Stratégie

Attirer et conserver les talents sur le territoire

À l’heure où de plus en plus d’étudiants et de salariés s’interrogent sur leur implantation géographique et leur avenir professionnel, Amiens et sa Métropole pourraient avoir une réelle carte à jouer. La ville met en avant une offre de formations de qualité, mais aussi le développement d’écosystèmes de pointe autour de la santé, de l’énergie ou du numérique.

Le territoire mise sur des métiers d’avenir. (© Teddy Henin)
Le territoire mise sur des métiers d’avenir. (© Teddy Henin)

« Il est vrai qu’il est encore difficile d’attirer de nouveaux arrivants. Mais une fois installés, ils se sentent bien et restent ici. Nous avons besoin de retravailler la renommée de notre territoire, notamment au niveau de la communication et de l’attractivité », souligne Fany Ruin, présidente de la CCI Amiens-Picardie qui évoque la montée d’Amiens en Ligue 1 ou l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron comme deux boosters de notoriété. Au-delà de l’identification d’Amiens et de sa métropole, c’est la question de la qualité de l’ensemble de l’écosystème - qualité de vie, des formations, de l’emploi… - qui se pose pour attirer étudiants et salariés.

Attirer les étudiants

Avec 30 000 étudiants, soit près de 20% de sa population, Amiens est clairement identifiée pour son offre en matière d’études supérieures avec des structures reconnues comme l’Université Picardie Jules Verne (UPJV) ou l’École supérieure d’ingénieurs en électrotechnique et électronique (Esiee).

« Les formations d’ingénieur que nous proposons en alternance et en initiale dans les domaines de l’énergie et du numérique sont tournées vers des métiers d’avenir, très en lien avec les besoins des entreprises. D’ailleurs, deux tiers de nos étudiants ont un travail dès le début de leur cinquième année et 100 % ont un poste avant la fin de leur cursus », note Nouredine Zitouni, directeur des études de l’Esiee. Sur 600 étudiants, une majorité est issue des Hauts-de-France et près de 40% sont boursiers. « Il est très important pour nous de proposer une offre pédagogique de qualité qui puisse bénéficier à tous », ajoute-t-il.

Afin de poursuivre ce travail de diversification des profils, l’Esiee, qui compte 11% de jeunes femmes, participe à des actions de sensibilisation auprès d’élèves de 3e. Au-delà de ce recrutement local, l’école mise également sur un sourcing international avec des étudiants de 17 nationalités. Une ouverture sur le monde qu’elle espère accroître grâce à l’intégration du réseau UniLaSalle. « C’est une réelle opportunité, puisqu’en plus de créer des passerelles entre nos savoir-faire, cela va nous permettre de décupler notre visibilité », confirme Nouredine Zitouni, avant d’ajouter : « Nous avons beaucoup de success stories, des étudiants qui montent leur entreprise ou occupent des postes à responsabilité, comme l’actuel directeur du site amiénois de Procter & Gamble ».

L’Esiee accueille plus de 650 élèves, majoritairement issus des Hauts-de-France. (© Teddy Henin)

Des retombées directes pour le territoire auxquelles souhaite également contribuer l’École supérieure de commerce d’Amiens (ESC). « Tout est fait pour nouer des liens entre les étudiants et les entrepreneurs locaux. Il faut aussi être conscients que certaines entreprises ont des postes qui restent non pourvus. Notre objectif est également d’adapter les formations de l’ESC et d’Interfor pour mieux coller à la demande », confie Fany Ruin.

Fidéliser les salariés

Outre le besoin de conserver sur le territoire ces étudiants, l’enjeu pour la métropole amiénoise et ses acteurs économiques est aussi d’attirer des salariés issus d’autres zones géographiques. Pour cela, la qualité des emplois proposés, leurs sens et la culture de l’entreprise sont devenus des questions prépondérantes.

« Nous avons fait le choix dès l’origine d’un management libéré. C’est ce qui va permettre à chaque collaborateur d’être créatif. Cela bénéficie à toute l’entreprise », observe Loïc Espagnet, directeur du développement chez H2air. La société de 70 personnes dédiée aux énergies renouvelables a noué un partenariat avec l’Esiee et accueille régulièrement alternants et stagiaires, qu’elle intègre ensuite dans 90% des cas. Mais elle a également su séduire d’autres profils plus expérimentés. « Nous avons des collaborateurs issus de secteurs comme l’automobile ou le pétrole. Ils savent qu’ils gagneront moins d’argent en venant chez nous et qu’ils ne seront pas forcément managers, mais ils trouvent ici du sens et une autre façon de travailler. Il y a très peu de turn-over et lorsqu’un salarié a envie d’autre chose, nous réfléchissons avec lui sur la suite de son parcours chez H2air ou ailleurs », détaille-t-il.

« Notre approche du recrutement peut surprendre, nous misons plus sur un profil, un caractère que des compétences »

Pour fluidifier davantage son fonctionnement, H2air a ressenti le besoin de créer un poste dédié aux ressources humaines. « Notre approche du recrutement peut surprendre, nous misons plus sur un profil, un caractère que des compétences. Le budget formation n’a presque pas de limite, nous nous adaptons aux besoins de chacun. Notre organisation peut aussi étonner, mais elle est très libératrice. Il faut parfois le rappeler aux jeunes salariés qui n’ont rien connu d’autre » sourit Delphine Fournier, responsable RH, arrivée il y a quatre mois.

Une philosophie qui n’a rien de naïf et n’entrave pas la forte croissance d’H2air. « Nous ne sommes pas des bisounours, H2air est une entreprise, et même si nous privilégions le collectif, cela ne nous empêche pas de savoir trancher et de prendre des décisions » affirme Loïc Espagnet qui confie cependant que des interrogations existent sur l’adaptation de ce modèle à l’arrivée massive de nouveaux collaborateurs. Rien qu’en 2021, une dizaine de recrutements est prévue. « C’est un vrai sujet. Aujourd’hui, il y a une réelle proximité entre les équipes et Roy Mahfouz, le fondateur, est très présent. Est-ce que l’on est capable de préserver notre organisation ? Je pense que oui. La plasticité, l’agilité de notre fonctionnement rend cela possible. Mais je pense qu’il est nécessaire de mener un travail de design thinking pour continuer à faire évoluer notre créativité. Il faut continuer à oser », dit encore le directeur du développement.


La cellule accueil-mobilité de la CCI s’ouvre aux non-cadres

« La cellule accueil-mobilité imaginée en partenariat avec la Ville d’Amiens et Amiens Métropole était jusqu’ici un outil d’attractivité du territoire à destination des cadres. Nous avons décidé d’aller plus loin et de l’ouvrir à tous », explique Fany Ruin. Ce service inédit accompagne les nouveaux arrivants dans leur recherche de logement, d’école, d’activités pour toute la famille mais aussi d’un travail pour le conjoint. En 2019, 337 personnes ont été accueillies, dont une trentaine de doctorants et enseignants chercheurs en lien avec l’UPJV. En 2020, malgré la crise sanitaire, les données sont équivalentes, puisque 303 collaborateurs ont été accompagnés par la cellule accueil-mobilité. Des chiffres qui pourraient grimper en 2021 puisque depuis quelques mois, la CCI Amiens-Picardie est sollicitée directement par des familles, issues majoritairement de l’Île-de-France« C’est très intéressant pour le développement du territoire, mais nous n’avons pas encore assez de recul pour savoir si ce sont des salariés qui vont continuer à travailler en région parisienne ou qui vont basculer vers un emploi local », souligne Fany Ruin.

Depuis quelques mois, des familles sollicitent la cellule accueil-mobilité. (© Pixabay)

H2air, acteur engagé

« Nous avons toujours souhaité être un acteur engagé sur notre territoire, nous travaillons d’ailleurs de préférence avec des prestataires locaux. H2air a parfaitement conscience de son rôle sociétal », assure Émilie Thérouin, porte-parole de l’entreprise qui insiste sur l’importance de travailler sur la qualité de l’emploi local pour créer un écosystème vertueux et attractif. Malgré cette bonne volonté affichée, H2air, qui a ouvert des agences à Nancy, Tours, Aix-en-Provence et Toulouse, mais également des bureaux à Berlin et Beyrouth, peine parfois à attirer des talents dans les Hauts-de-France. « Cela peut être une difficulté, mais elle est compensée par les avantages offerts en interne et la réputation d’H2air. Nous sommes identifiés comme une entreprise où il fait bon vivre et où il est possible d’organiser son rythme de travail par exemple. Nous travaillons aussi sur la mobilité interne, qui peut être un levier intéressant pour des collaborateurs qui éprouvent un besoin de changement », note Delphine Fournier, la responsable RH.